Un magasin de T-shirts dans la vieille ville de Jérusalem, en novembre 2016. | AHMAD GHARABLI / AFP

A très petites touches, la nouvelle administration américaine s’efforce de prendre ses marques sur le dossier israélo-palestinien. Jeudi 2 février, le service du porte-parole Sean Spicer a publié un communiqué évoquant pour la première fois la colonisation des territoires occupés. M. Trump avait vivement critiqué, en décembre 2016, l’abstention américaine décidée par Barack Obama, qui avait permis l’adoption d’une résolution au Conseil de sécurité de l’ONU condamnant la poursuite des constructions israéliennes en territoire palestinien. Il semble désormais en quête d’une voie médiane, entre les positions des dernières administrations, toutes tendances confondues, et la rupture incarnée par la nomination comme ambassadeur des Etats-Unis en Israël d’un fervent partisan de la colonisation, David Friedman.

Dans ce communiqué, la Maison Blanche considère que « si la colonisation n’est pas un obstacle à la paix » en elle-même, « la construction de nouvelles colonies ou l’expansion des colonies existantes au-delà de leurs frontières existantes pourraient ne pas aider » à parvenir à la paix, qui reste l’objectif de M. Trump. Un avertissement voilé, tempéré par un ajout : la Maison Blanche précise « ne pas avoir pris de position officielle sur la colonisation » et « espère poursuivre les discussions » à ce sujet, « y compris à l’occasion de la visite du premier ministre Benyamin Nétanyahou » à la Maison Blanche, prévue le 15 février. Aucune visite d’un responsable palestinien n’a pour le moment été annoncée.

Le vocabulaire prudent utilisé jeudi est un rappel à l’ordre déguisé, adressé à la droite israélienne en pleine surenchère. Le départ de l’administration Obama représente une possibilité historique de rupture, estime le camp national religieux conduit par le ministre Naftali Bennett. Il pousse le premier ministre à rompre avec son engagement formel, datant de 2009, en faveur d’un Etat palestinien démilitarisé au côté d’Israël.

Nouvelles constructions

Depuis l’investiture de M. Trump, M. Nétanyahou a annoncé, en dix jours, deux plans massifs de construction, de 2 500 logements, puis de 3 000 mardi. Beaucoup se situent au-delà des blocs de colonies qui seraient annexés par Israël dans le cadre d’un accord de paix global avec les Palestiniens. Contrairement à l’usage, ces annonces n’ont entraîné aucune réaction de la Maison Blanche – ni du département d’Etat, sans titulaire puisque Rex Tillerson n’a été confirmé à sa tête que le 1er février. Jeudi soir, le Jerusalem Post citait un officiel de la Maison Blanche, selon lequel l’administration Trump n’avait pas été avertie au préalable de ces nouvelles constructions. Cet officiel mettait en garde contre toute initiative « unilatérale ».

M. Nétanyahou a aussi donné son feu vert à l’adoption par la Knesset d’un projet de loi, hautement controversé, légalisant les colonies « sauvages » – les avant-postes –, illégales même au regard du droit israélien. Il a aussi décidé, après le démantèlement le 1er février de l’avant-poste d’Amona, imposé par la Haute Cour de justice, de créer une nouvelle colonie – une première depuis 1992 – pour accueillir les délogés. En revanche, il n’a pas voulu suivre le camp national religieux, qui souhaitait obtenir par voie législative l’annexion de Maale Adumim, l’une des plus grandes implantations juives, quelques kilomètres à l’est de Jérusalem.

Le communiqué de la Maison Blanche est intervenu après la visite à Washington du roi Abdallah II de Jordanie, qui a rencontré le vice-président Mike Pence, et croisé plus brièvement Donald Trump jeudi matin. En l’état, les éléments de langage de la Maison Blanche restent en contraste avec ceux des deux administrations précédentes. « Les administrations américaines, républicaines et démocrates, ont considéré que la colonisation est contraire à l’objectif de la paix », a résumé le secrétaire d’Etat sortant, John Kerry, le 28 décembre 2016. Le dernier président républicain avant M. Trump, George W. Bush, avait pu se targuer d’une forte image d’ami d’Israël malgré un discours prononcé en 2002 dans lequel il avait assuré que « la colonisation [devait] cesser ».

« Premières étapes »

Le président américain est devenu prudent quant à l’idée de déménager l’ambassade de Tel-Aviv à Jérusalem

Pour Donald Trump, qui compte dans son entourage proche de nombreux inconditionnels de la cause israélienne, de son gendre Jared Kushner – qu’il a chargé de conduire les efforts de paix – à son responsable pour les négociations internationales, Jason Greenblatt, le tâtonnement ne se limite pas à la colonisation. Le candidat avait promis le transfert au plus vite de l’ambassade des Etats-Unis, actuellement à Tel-Aviv, à Jérusalem. Le président est aujourd’hui beaucoup plus prudent, disant aimer « le concept » mais reconnaissant que le problème a « deux faces ». Son porte-parole a expliqué que la nouvelle administration n’en était, sur ce point, qu’« aux premières étapes du processus de décision ». Les administrations successives ont toujours considéré que ce déménagement ne pourra intervenir qu’une fois un accord de paix signé, et tranchée la question du sort de Jérusalem, revendiqué comme capitale par les deux parties.

Le communiqué, enfin, est tout aussi instructif pour ce qu’il ne mentionne pas, du moins à ce stade. L’objectif de la paix n’est pas accompagné explicitement de ce qui est devenu officiellement son corollaire depuis le discours de M. Bush prononcé en 2002 : la solution des deux Etats, qui passe par la création d’une Palestine au côté d’Israël. De même, le court paragraphe diffusé jeudi se garde d’évoquer précisément la Cisjordanie et son statut juridique. En 2002, M. Bush n’avait pas hésité à employer les formules contestées par Israël d’« occupation » et de « territoires occupés ».