Les pilotes tiennent l’avenir d’Air France entre leurs mains. Le Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL), majoritaire au sein de la compagnie, a décidé d’organiser un référendum consultatif, du 3 au 13 février, auprès de ses adhérents. Les pilotes vont devoir se prononcer sur le projet Boost, une compagnie à bas coûts de fonctionnement qui doit permettre à Air France de rivaliser avec les compagnies du Golfe, ses principales concurrentes.

Boost constitue la clé de voûte du plan « Trust Together », préparé par Jean-Marc Janaillac, PDG d’Air France-KLM, pour redresser la compagnie. Les pilotes sont appelés, par leur syndicat, à répondre à la question : « Approuvez-vous l’externalisation d’une partie de l’activité et de la flotte long et moyen-courriers d’Air France dans une nouvelle structure ? » L’idée d’Air France est de créer une nouvelle compagnie sur le modèle de sa filiale low cost Transavia France, chargée de concurrencer les EasyJet et autres Ryanair sur les destinations « loisirs ».

M. Janaillac veut positionner la flotte de la future Boost sur des lignes déficitaires aujourd’hui opérées par Air France. Pas certain que les pilotes donnent leur feu vert à cette nouvelle compagnie. Le SNPL est en effet vent debout contre toute externalisation de l’activité du groupe. « Ce n’est pas un référendum sur Boost », se défend Philippe Evain, président du SNPL.

« Nous demandons seulement aux pilotes s’ils approuvent la création d’une filiale dans laquelle seront placés beaucoup d’actifs d’Air France avec tous les risques que cela comporte », argue le patron du syndicat. Le SNPL redoute une future cession. « Dès qu’il y a eu une filiale, elle a toujours fini par être vendue », rappelle M. Evain. La preuve, ajoute-t-il, « la dernière en date a été Servair, filiale dédiée au catering, la restauration à bord, vendue le 31 décembre 2016 ».

Un accord avant mi-février

La direction d’Air France reste optimiste sur l’issue de la consultation, même si, selon elle, la question posée aux pilotes « est présentée de manière négative ». Toutefois, Air France veut toujours laisser du temps au temps. Alors que les négociations avec les pilotes devaient s’achever le 31 janvier, la direction ne fixe « pas de date butoir ». Mais elle souhaite parvenir à un accord avant la mi-février afin de pouvoir « présenter quelque chose » lors de la publication des résultats annuels d’Air France-KLM prévue le jeudi 16 février.

Avant cette échéance, la compagnie s’emploie à convaincre les pilotes du bien-fondé de l’externalisation d’une partie de son activité. Dans un courrier adressé dimanche 5 février aux pilotes et dont Le Monde s’est procuré une copie, Franck Terner, nouveau PDG d’Air France, exhorte les navigants à ne pas « laisser passer une opportunité qui ne se représentera plus ».

Aux craintes du SNPL, il oppose les bénéfices, selon lui, d’une telle opération : « Vous n’avez qu’à y gagner, à commencer par la croissance. Nous avons fermé trop de lignes ces dernières années, Boost permettra à Air France de reprendre l’offensive face aux compagnies du Golfe et de se défendre face aux low cost européennes. Ne pas faire la nouvelle compagnie, c’est renoncer à cette croissance et à toutes les conséquences positives qu’elle emportera pour vous après des années de stagnation ».

Enbaucher davantage de jeunes

Le PDG pense pouvoir séduire une majorité de pilotes. Selon lui, « la question qui vous est posée aujourd’hui par le bureau du SNPL est malheureusement incomplète et formulée de telle sorte qu’elle peut vous inciter à rejeter la création de la nouvelle compagnie ». Ce n’est pas l’avis du SNPL selon lequel la question posée aux pilotes est simple : « Etes-vous d’accord pour découper la compagnie Air France en deux morceaux ? » Pour emporter l’adhésion des pilotes, la direction a déjà lâché beaucoup de lest. Notamment le fameux contrat unique. Le SNPL a ainsi obtenu que les navigants qui iront voler sous les couleurs de Boost le feront « aux conditions d’Air France ».

La direction et le SNPL ont prévu de se retrouver autour d’une table de négociation mardi 7 et mercredi 8 février. Toutefois, Air France ne veut pas céder sur la création d’une filiale pour lancer Boost. « Boost n’a de sens que si nous pouvons baisser les coûts de production. » La future compagnie devrait disposer d’une flotte de vingt-huit avions fournis par Air France.

Pour concurrencer les compagnies du Golfe, la stratégie de la direction est de créer un avantage compétitif de 15 % par rapport à Air France. Une baisse des coûts obtenue avec l’embauche pour Boost d’hôtesses et de stewards beaucoup moins payés que leurs collègues d’Air France. Une mauvaise méthode pour le SNPL.

Selon le syndicat, il n’est pas besoin d’externaliser car « Boost peut tout à fait se faire en interne ». A l’en croire, il faut seulement qu’Air France se remette à embaucher des personnels navigants commerciaux, « ce qui n’a pas eu lieu depuis dix ans ». La preuve, dénonce le syndicat, « l’âge moyen des hôtesses et stewards d’Air France est de 43 ans ». Avec les salaires qui vont avec. « Si l’on embauche des jeunes pour voler sur Boost, leurs coûts seront de 40 % moindre. L’économie recherchée par la direction sera alors déjà totalement réalisée. » Il n’empêche. Majoritairement contre l’externalisation, la direction du SNPL respectera le vote de ses adhérents.