Marine Le Pen, à Lyon le 5 fevrier 2017. | CYRILL BITTON / FRENCH-POLITICS POUR LE MONDE

Editorial du « Monde ». Oubliez les propos sur la préférence nationale, les taxes à l’importation, les baisses d’impôts miraculeuses, l’insupportable rhétorique des « élites » et du « peuple ». Marine Le Pen, la candidate du Front national à l’élection présidentielle, n’a qu’un programme : sortir de l’Union européenne (UE) et de l’euro. Ou faire exploser l’UE en quittant la monnaie unique. Ou décréter d’abord la « mort » de l’UE avant celle de l’euro. C’est comme on voudra, dans l’ordre ou dans le désordre, car à entendre la patronne de l’extrême droite française, il n’y a qu’une seule source aux maux dont souffre le pays, et elle s’appelle l’Europe.

Au lendemain d’un week-end politique, samedi 4 et dimanche 5 février, où Mme Le Pen a réaffirmé les grandes lignes de son programme, il faut regarder les choses en face. Le Front national veut casser l’Europe. Il entend détruire ce qui a été construit, pas à pas, depuis soixante-dix ans, une œuvre qui n’a pas peu contribué à cette réalité qu’on tient, à tort, pour garantie : un Vieux Continent enfin apaisé et libéré de nombre des démons qui l’ont maintes fois ravagé. La France a été l’un des maîtres d’œuvre de cet immense succès. Mais cela ne compte pas pour Mme Le Pen.

Elle s’est efforcée, non sans talent, de « banaliser » un parti qui, puisant dans un vieux fonds vichyste, ne s’est développé que dans un anti-gaullisme acharné, aujourd’hui remplacé par sa détestation de l’Europe – le FN a toujours un bouc émissaire. La chef du FN ne veut plus revenir sur l’abolition de la peine de mort (à moins que l’extension du domaine du référendum, qu’elle programme, ne vise à proposer le retour de la guillotine) et elle se range volontiers aux us et coutumes de l’époque concernant le mariage homosexuel.

Simplisme démagogique

Mais toute la radicalité négative dont le FN est porteur se concentre sur le couple diabolique Europe/immigration qui expliquerait tout : chômage de masse, faible compétitivité dans nombre de secteurs de pointe, absence de dialogue social, modèle agricole inadapté, école sous-performante, etc. Le FN a le coupable. Le FN a la recette : « y a qu’à » sortir de l’UE.

Au-delà de la stupidité de ce simplisme démagogique, examinons les choses de plus près. Le retour à un franc dévalué ? Passons sur le krach bancaire qui s’ensuivrait : on imagine déjà la ruée des épargnants – ménages et entreprises – paniqués à l’idée de voir la valeur de leurs économies s’effondrer avec le franc. Passons sur l’explosion d’une dette publique qui, libellée en francs dévalués, supposerait d’être financée avec des taux d’intérêt à la grecque.

Cette idée que la souveraineté monétaire en 2017 – dans une France dont l’économie est l’une des plus mondialisées – passe par le retour joyeux à un franc dévalué est inepte. Quelle serait la réaction de nos voisins européens, avec lesquels nous réalisons près de 70 % de notre commerce extérieur ? Ils dévalueraient à leur tour ? Nous reviendrions ainsi à la belle époque des dévaluations compétitives en Europe qui fit la joie des fonds spéculatifs américains jouant telle devise contre l’autre. Nous abaisserions la valeur monétaire de nos PME et fleurons industriels, là encore au profit des fonds qataris ou des géants chinois se ruant pour racheter les entreprises tricolores. Le « patriotisme économique » de Mme Le Pen, c’est bon pour Wall Street, désastreux pour la France.

En lieu et place de réformes sérieuses et difficiles, le FN vend une recette miracle : tuer l’Europe. Ce n’est pas un programme. C’est un renoncement.