Des centaines de personnes ont manifesté lundi 6 février à Lagos pour protester contre la politique économique du gouvernement nigérian et réclamer des solutions à la récession qui frappe le géant ouest-africain.

Environ 500 personnes se sont rassemblées en début de matinée au Stade national de la capitale économique nigériane, brandissant des pancartes « Les chômeurs ont faim et sont en colère » ou encore « Je ne me tairais plus ». Les manifestants ont ensuite entamé une marche pacifique en direction du Théâtre national, aux rythmes de tambours et de trompettes, en chantant « Assez, c’est assez ! ». La manifestation était encadrée par un très important dispositif policier, tandis qu’un hélicoptère de la police nationale tournait dans le ciel.

« Tout coûte très cher aujourd’hui. Le prix de la nourriture, le prix de l’essence a augmenté… Nous souffrons mais les politiciens s’en fichent ! », s’emporte un étudiant, Elias Ozikpu, affirmant que le prix d’un sac de riz est passé de 6 000 nairas (18 euros) à 22 000 nairas (65 euros) à cause de l’inflation. « Il y a deux ans nous avons élu un nouveau gouvernement parce que le précédent, celui de [Goodluck] Jonathan, était corrompu. Mais nous ne voyons pas de changement, c’est encore pire maintenant », a ajouté le jeune homme.

A l’origine de l’appel à manifester, la star d’afro-pop 2Face avait fait marche arrière dimanche, invoquant des raisons de sécurité pour annuler le rassemblement, qui avait auparavant été interdit par la police.

« Chers Nigérians, après consultations, il apparaît que la manifestation #OneVoice prévue à Lagos et Abuja le lundi 6 février est sérieusement menacée de détournement par des intérêts qui ne sont pas en ligne avec nos idéaux », avait affirmé la star dans un clip diffusé sur son compte Instagram. « Le message que je veux faire passer ne vaut pas de mettre en danger la vie d’un seul Nigérian », avait-il dit. Mais son initiative, rare de la part d’une célébrité au Nigeria, avait reçu un large soutien populaire, et plusieurs organisations de la société civile ont décidé malgré tout de maintenir la marche, appelant les Nigérians à se rassembler via les réseaux sociaux, avec le mot d’ordre #IStandWithNigeria.

Buhari à l’étranger

Dans les rues d’Abuja ce lundi, les Nigérians s’interrogeaient aussi sur l’état de santé du président nigérian Muhammadu Buhari, qui a repoussé son retour de vacances au Royaume-Uni pour raisons médicales, laissant le champ libre aux pires rumeurs.

L’ancien général de l’armée, âgé de 74 ans, devait initialement reprendre le travail dans la matinée à Abuja, la capitale administrative du Nigeria. Mais, dimanche soir, son cabinet a annoncé qu’il prolongerait son séjour à Londres sur recommandation de ses médecins, en attendant les résultats d’une série d’examens médicaux effectués à l’occasion de ses congés.

Aucun calendrier n’a été communiqué concernant son retour prévu et aucun détail donné sur les examens subis par le chef de l’Etat, absent depuis le 19 janvier. Le gouvernement nigérian peine à convaincre que le président se porte bien et a même dû démentir à plusieurs reprises des rumeurs persistantes sur les réseaux sociaux et dans les médias, selon lesquelles il serait gravement malade, voire décédé pendant son séjour.

La santé du chef de l’Etat est une question sensible au Nigeria. En 2010, le président Umaru Yar’Adua est décédé de problèmes rénaux, longtemps cachés au grand public. Son hospitalisation à l’étranger avait déclenché des mois d’incertitude politique, jusqu’à sa mort qui a finalement porté au pouvoir le deuxième personnage de l’Etat, Goodluck Jonathan. Certes, l’administration Buhari n’a pas caché le fait que le président devait se faire soigner : en juin 2016, son voyage à Londres pour soigner une infection persistante de l’oreille interne avait été rendu public.

Le président a également annoncé en janvier qu’il devait se soumettre à des « bilans de routine ». Mais Buhari et son parti, l’All Progressives Congress (APC), n’ont pas réussi à mettre un terme aux rumeurs les plus pessimistes. Le vice-président Yemi Osinbajo, assurant l’intérim, a ajouté qu’il n’y a pas de vacance du pouvoir.