François Fillon, lors de sa conférence de presse de  dans son QG de campagne à Paris, lundi 6 février 2017. | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH-POLITICS POUR LE MONDE

Editorial du « Monde ». En politique comme à la guerre, l’attaque est la meilleure défense. Et, contrairement à la guerre, on peut y ajouter une pincée de contrition quand la situation devient vraiment périlleuse. C’est l’exercice auquel s’est livré François Fillon, lundi 6 février.

Depuis deux semaines, le candidat de la droite à l’élection présidentielle était ballotté par les révélations du Canard enchaîné sur les conditions dans lesquelles il avait employé, ou fait employer, son épouse pendant des années (et deux de ses enfants pendant des mois) comme assistants parlementaires. Ses explications hésitantes, parcellaires et évolutives ont renforcé le soupçon que ces emplois avaient été pour le moins furtifs, voire fictifs. Elles ont plongé son camp dans le doute, au point que bon nombre de ses « amis » s’interrogeaient sur la nécessité de changer de candidat.

Bref, il devenait vital pour lui de sortir de la nasse avant qu’il ne soit trop tard. Il s’y est employé avec énergie, habileté et une bonne dose de mauvaise foi. C’est, en effet, de manière autoritaire et cinglante que M. Fillon a coupé court à toute hypothèse de « plan B » destiné à chercher un candidat de substitution. « Le plan B, c’est la Berezina », a-t-il tranché, avant de marteler : « Aucune instance n’a la légitimité pour remettre en cause le vote de la primaire ».

Moi ou le chaos

C’est énoncer une évidence. Il a été désigné, en novembre 2016, par près de 3 millions d’électeurs de droite, ce qui lui assure une indéniable légitimité. Aucune procédure de remplacement n’est prévue. Aucun candidat alternatif crédible ne sort des rangs et n’importe lequel des noms évoqués ces derniers jours est de nature à redéclencher des guerres fratricides.

Enfin, changer de candidat à moins de trois mois du premier tour de l’élection et à trois semaines du début du délai de dépôt des parrainages auprès du Conseil constitutionnel ne pourrait conduire la droite qu’au désastre. C’est moi ou le chaos, a clairement signifié François Fillon. Bon gré mal gré, son camp n’a d’autre solution que de l’admettre.

Encore faut-il que l’opinion, et en particulier celle des électeurs de droite, ne s’effondre pas. Sur ce terrain, François Fillon s’est montré habile, sinon convaincant. Il a présenté ses « excuses » pour n’avoir pas compris que ce qui est légal (l’emploi de ses proches par un parlementaire) n’est plus jugé acceptable par les Français. Il a rendu public son patrimoine et le détail des salaires versés à son épouse, et commencé à donner quelques précisions sur la nature des activités de sa société 2F Conseil, créée en 2012.

Il veut espérer que cet exercice de transparence qui n’est pas inédit – Edouard Balladur en 1995 et Ségolène Royal en 2007 ayant été contraints de faire de même – coupera court à bien des spéculations ou investigations. Il reste que, hormis sa bonne foi, rien de nouveau ne vient démontrer la réalité du travail pour lequel ses proches ont été rémunérés.

Quant à la mauvaise foi, elle concerne l’invocation d’un « complot » et d’un « lynchage médiatique ». Commode et habituel bouc émissaire, la presse n’a fait, en l’occurrence, que chercher la vérité : celle d’un homme qui se prétend « irréprochable » et celle d’un candidat qui invite le pays à une rigueur avec laquelle il a trouvé, sur le plan personnel, de singuliers accommodements. S’il a obtenu un sursis, François Fillon n’a pas levé ce doute pernicieux sur l’adéquation entre ses paroles et ses actes.