Devant la cour d’appel de San Francisco en Californie, le 7 février. | Elijah Nouvelage / AFP

L’ambition du président Donald Trump de restreindre l’accès au territoire américain pour officiellement prévenir de l’arrivée de « terroristes étrangers » a engendré un casse-tête juridique aux Etats-Unis. En toile de fond, une question centrale : jusqu’où vont les pouvoirs du chef de l’Etat en matière de politique migratoire ?

  • La cour d’appel de San Francisco

Mardi, la cour d’appel de San Francisco a examiné, mardi 7 février, un premier volet de ce dossier. L’administration Trump conteste la suspension par un juge fédéral de Seattle, James L. Robart, du décret controversé fermant l’entrée des Etats-Unis aux citoyens de sept pays à majorité musulmane.

Un collège de trois magistrats de cette juridiction – deux nommés par des présidents démocrates, un nommé par un président républicain – a entendu les arguments du gouvernement qui veut remettre en place le texte, et ceux des Etats de Washington et du Minnesota – dont la plainte a débouché sur l’ordre de suspension temporaire. M. Robart étant un juge fédéral, sa décision de bloquer l’application du texte a un effet national.

Le tribunal, qui a mis son jugement en délibéré, ne va pas se prononcer sur le fond du dossier, à savoir le texte est-il constitutionnel ou non, mais sur la décision du magistrat de Seattle de le suspendre temporairement.

  • Qui sont les deux parties ?

Deux Etats démocrates frontaliers du Canada ont porté plainte contre le décret présidentiel : l’Etat de Washington, où siège le juge Robart, et le Minnesota. Différents groupes ont, en outre, déposé devant la cour des mémoires en appui à leur cause, parmi elles, l’ACLU, la grande organisation de défense des libertés et le Southern Poverty Law Center, un observatoire de l’extrémisme.

Le décret Trump « sape la sécurité nationale », affirment en outre dans une déclaration commune d’anciens hauts responsables américains, dont les ex-chefs de la diplomatie John Kerry et Madeleine Albright ou Leon Panetta, ancien ministre de la défense de Barack Obama. Près de 300 professeurs de droit et quelque 130 sociétés de la Silicon Valley ont également adressé des argumentaires de soutien à l’opinion du juge Robart. Enfin, une quinzaine d’autres Etats et la capitale fédérale Washington ont transmis un mémorandum demandant la confirmation de la décision du juge Robart.

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En face, la partie appelante est le président Donald Trump et son administration, défendus par les avocats du ministère de la justice.

  • Quels sont leurs arguments ?

Donald Trump justifie son décret par les pouvoirs que lui confère la Constitution. Selon son article 2, le président a toute autorité pour conduire les affaires étrangères et diriger la politique d’immigration. Le nouveau locataire de la Maison Blanche se fonde notamment sur un texte de loi adopté il y a 65 ans, stipulant que le chef de l’Etat est en droit de suspendre l’entrée d’une catégorie d’étrangers à chaque fois qu’il estime que cette arrivée « serait néfaste aux intérêts des Etats-Unis ».

Les avocats du gouvernement tentent de renforcer cet argument général par un autre de bon sens. La justice, disent-ils, est peu qualifiée pour décider en matière de sécurité nationale. La décision du tribunal de Seattle « outrepasse le jugement du président sur le niveau de risque [terroriste] acceptable », a fait valoir August Flentje, conseiller spécial du département de la justice devant la cour d’appel.

Les opposants au décret mettent aussi en avant la Constitution, en affirmant que le texte en viole des principes fondamentaux : liberté de déplacement, égalité des personnes, interdiction de la discrimination religieuse, etc. Ils rappellent que le rôle de la justice est de contrebalancer le pouvoir de l’exécutif, en protégeant notamment les minorités.

Ils assurent être fondés en tant qu’Etats pour déposer plainte, vu que le décret de M. Trump a des conséquences négatives en matière d’emploi ou dans les secteurs de l’éducation et des affaires. Enfin, ils avertissent qu’une éventuelle remise en vigueur du texte menacerait l’ordre public, après le chaos, notamment dans les aéroports, qu’avait déclenché sa mise en place non annoncée. Le président avait justifié cette précipitation par un nécessaire effet de surprise.

  • Quelles suites ?

La cour d’appel de San Francisco, qui devrait rendre sa décision cette semaine, peut soit valider le décret anti-immigration ou au contraire confirmer sa suspension.

Dans le premier cas, les autorités n’ont pas fait savoir si elles avaient prévu des mesures qui permettraient d’éviter les détentions dans les aéroports et les expulsions qui avaient suscité un tollé international et des manifestations.

Dans le second cas, la décision du juge James Robart s’appliquera à tout le pays, maintenant l’accès aux Etats-Unis aux réfugiés et ressortissants des sept pays visés par le texte.

A noter que la partie perdante aura la possibilité de demander à la Cour suprême à Washington de trancher. Celle-ci est censée tracer le cadre constitutionnel de l’exécutif et unifier la jurisprudence.