John Kelly, le nouveau responsable américain de la sécurité intérieure. | MARIO TAMA / AFP

« Nous voulons aller sur leurs réseaux sociaux, avec leurs mots de passe. » Cette phrase, lâchée mardi 7 février par John Kelly, le nouveau responsable américain de la sécurité intérieure, à propos de personnes souhaitant entrer sur le territoire américain, a généré beaucoup de remous. Explications.

Qu’a dit exactement John Kelly ?

John Kelly s’exprimait devant une commission du Congrès, lors de discussions consacrées au très controversé décret anti-immigration de Donald Trump, empêchant sept nationalités d’entrer sur le territoire américain pendant trois mois. Un membre du Congrès, Clay Higgins, l’a alors interrogé sur la façon dont les Etats-Unis pourraient utiliser les réseaux sociaux pour « identifier de potentiels terroristes » parmi les demandeurs de visa, en se fondant sur « des données accessibles publiquement ».

Ce à quoi John Kelly a répondu qu’il envisageait carrément de demander les mots de passe des personnes souhaitant entrer sur le territoire américain pour pouvoir examiner leur activité en ligne, rapporte NBC News. « S’ils ne veulent pas coopérer, alors ils n’entreront pas », a-t-il poursuivi.

Qui serait concerné ?

A priori, même si John Kelly ne s’est pas montré très précis, cette mesure concernerait les ressortissants des sept pays déjà visés par le décret anti-immigration de Donald Trump : le Yémen, l’Iran, la Libye, la Somalie, le Soudan, la Syrie et l’Irak.

Est-ce une proposition sérieuse ?

John Kelly a précisé qu’il ne s’agissait que de « l’une des choses auxquelles nous réfléchissons » – il envisage également de demander les dossiers bancaires.

Et à peine énoncée, cette idée soulève déjà des problèmes. Par exemple, elle serait aisément contournable par les personnes concernées, qui en quelques clics peuvent créer de faux comptes. Et quid des personnes ne fréquentant pas les réseaux sociaux ?

Qui plus est, John Kelly la justifie en expliquant que « quand quelqu’un dit "je viens de cette ville et ceci est mon métier", les agents doivent le croire sur parole. Je ne crois pas que ce soit suffisant (…). Nous devons donc peut-être ajouter des couches supplémentaires ». Or, il n’est souvent pas nécessaire de disposer du mot de passe d’un compte sur un réseau social pour accéder à ce type d’information, souvent publique. Ce qui a poussé certains observateurs à s’interroger sur les connaissances de John Kelly sur le sujet, et sur le sérieux de cette idée.

Cette idée est-elle nouvelle ?

C’est la première fois qu’il est question d’exiger les mots de passe. Toutefois, les réseaux sociaux intéressent de plus en plus les autorités américaines, qui n’ont pas attendu l’administration Trump pour scruter les comptes des nouveaux arrivants. L’administration Obama a ainsi ajouté en décembre une nouvelle ligne dans les formulaires que doivent remplir les personnes souhaitant se rendre sur le territoire américain. Ce champ, optionnel, demande déjà d’indiquer « les informations associées avec votre présence en ligne », comme le nom du compte Twitter ou Facebook.

John Kelly avait quant à lui déjà évoqué le mois dernier, lors d’une conférence de presse, la possibilité de demander aux personnes souhaitant entrer sur le territoire leur historique de navigation sur Internet et le nom de leurs comptes sur les réseaux sociaux. Mais il n’était alors pas question de mot de passe.

Est-ce légal de réclamer un mot de passe ?

Aujourd’hui, aucun organisme de police ne peut forcer un Américain à lui fournir ses mots de passe. L’EFF (Electronic Frontier Foundation), organisation de défense des libertés numériques, rappelle sur son site que « si un agent des douanes vous demande de donner votre mot de passe, (…) vous n’avez pas à le faire. Seul un juge peut vous forcer à révéler ces informations aux autorités ». Les personnes n’étant pas citoyennes américaines ne disposent pas des mêmes protections que les citoyens, mais une abondante jurisprudence leur garantit toutefois des protections constitutionnelles. Si la mesure était appliquée, et contestée devant les tribunaux, ces derniers devraient déterminer si un entrant sur la demande de mot de passe constitue une « fouille ou saisie déraisonnables », interdite par le quatrième amendement de la Constitution.

Toutefois, l’administration Trump semble vouloir revenir sur les droits relatifs à la vie privée des citoyens non américains. Le nouveau président a ainsi signé un décret pour « s’assurer » que ces personnes sont bien exclues du Privacy Act, un texte encadrant la façon dont les données personnelles peuvent être collectées et exploitées par les agences fédérales.

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