Créé après le scandale de l’affaire Cahuzac comme l’un des leviers de la « moralisation de la vie publique » voulue par François Hollande, le parquet national financier (PNF) est à l’initiative de l’enquête préliminaire sur les emplois présumés fictifs accordés par François Fillon à son épouse et à ses enfants. Contestée à ses débuts, la jeune institution judiciaire s’impose progressivement dans le traitement des dossiers « susceptibles de provoquer un retentissement national ou international de grande ampleur ».

Une création en 2013 après l’affaire Cahuzac

C’est seulement huit jours après les aveux du ministre du budget, Jérôme Cahuzac, en mars 2012, que François Hollande annonce « la création d’un parquet financier, c’est-à-dire d’un procureur spécialisé, avec une compétence nationale, qui pourra agir sur les affaires de corruption et de grandes fraudes fiscales ». Créé par la loi du 6 décembre 2013, le parquet est lancé trois mois plus tard sous la direction d’un nouveau procureur financier, Eliane Houlette.

L’action du PNF, d’une portée nationale, est placée sous l’autorité du procureur général de Paris. Le parquet financier a une compétence exclusive sur les délits boursiers, mais doit négocier sur d’autres délits avec le juge d’instruction et le tribunal correctionnel de Paris – ainsi que sept autres juridictions interrégionales spécialisées (JIRS), elles aussi saisies pour des affaires complexes.

Ces compétences « concurrentes » concernent les délits prévus par la circulaire du 31 janvier 2014 comprenant notamment la corruption, les escroqueries à la TVA, les dossiers importants de fraude fiscale, ainsi que de détournement de fonds publics – la loi du 3 juin 2016 a étendu ces compétences aux « associations de malfaiteurs » pour ces délits.

Le chevauchement des compétences entre parquets a alimenté les critiques envers l’institution dès sa création. Le Conseil d’Etat avait jugé le 6 mai 2013 que le PNF « n’était pas la réponse appropriée » à la prise en charge de ces délits, avant que la Cour de cassation ne pose « de sérieuses interrogations » sur le parquet, estimant que « l’extension des compétences du parquet de Paris n’aurait pas appelé de réserves ».

C’est à la suite d’une de ces négociations qu’a été déclenchée l’enquête préliminaire concernant François Fillon, confiée par le PNF aux policiers de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF), après discussion avec le tribunal correctionnel de Paris.

Contesté sur son domaine de compétences par les avocats de François Fillon, le parquet avait répondu par communiqué que les investigations étaient « diligentées conformément aux critères de compétences définis par l’article 705 du code de procédure pénale » et confirmait l’échange avec le parquet de Paris. Avant de conclure sur la suite des investigations, dont « il serait hasardeux de préjuger dès à présent de [l’]issue ».

De nombreuses affaires médiatisées

La jeune institution judiciaire s’est placée à plusieurs reprises en avant dans le traitement de dossiers « de grande complexité », souvent médiatisés.

Outre Jérôme Cahuzac – condamné en première instance à trois ans de prison ferme et cinq ans d’inéligibilité pour fraude fiscale –, Serge Dassault et l’entreprise Google France ont par exemple fait face aux réquisitoires et enquêtes du PNF. Les banques HSBC et UBS sont aussi dans le viseur du procureur financier Eliane Houlette pour l’année 2017.

Mais le parquet national financier a aussi connu des revers : l’ancien collaborateur de Nicolas Sarkozy à l’Elysée François Pérol et les héritiers de la famille Wildenstein ont été relaxés par la justice après des enquêtes de l’équipe d’Eliane Houlette.

360 dossiers en cours

Responsables de 108 dossiers à son ouverture en février 2014, le parquet national financier traitait 360 dossiers à la mi-octobre 2016, selon un rapport parlementaire publié le 8 février. Parmi ces dossiers, 12 % portent sur des délits financiers, 45 % sur des atteintes à la probité, et enfin 43 % portent sur des atteintes aux finances publiques.

Le nombre de dossiers à traiter aurait pu être augmenté avec le vote de la loi Sapin 2 en novembre 2016. Finalement retoquée par le Conseil constitutionnel, une disposition introduite par amendement prévoyait l’extension du domaine de compétences exclusive du PNF pour les délits de corruption et de fraude fiscale aggravée. Les juges ont considéré que l’absence de « mesure transitoire » dans la loi aurait pu affecter « la bonne administration de la justice ».

D’autant que selon les auteurs du rapport parlementaire sur le PNF, Sandrine Mazetier et Jean-Luc Warsmann, les moyens du parquet sont inférieurs à ceux prévus lors de sa création : vingt-deux magistrats devaient, à terme, traiter chacun simultanément huit dossiers en moyenne. A la mi-octobre 2016, ils étaient quinze au parquet national financier, traitant chacun, en moyenne, vingt-sept dossiers simultanément.