Alors que les boxeurs masculins sont conviés aux JO depuis 1904, les femmes ont dû patienter jusqu’aux Jeux de Londres en 2012, soit plus de cent ans. | JACK GUEZ / AFP

L’inégalité des sexes dans le domaine sportif est un vaste sujet sur lequel se penche le CSA depuis 2012. Pour un résultat édifiant : les rencontres féminines n’occupent que 20 % du temps consacré aux retransmissions sportives. Malgré une progression (7 % en 2012), le changement prend du temps.

C’est d’autant plus vrai que certains sports, notamment collectifs, sont jugés par l’opinion publique comme « non féminins », donc « non vendables ». Selon Patrick Mignon, sociologue spécialiste du sport, il devient urgent de « parvenir à faire tomber les préjugés qui en font des sports d’hommes ». Le ministère de la ville, de la jeunesse et des sports a ainsi mis en place depuis 2014 « les 4 saisons du sport féminin ».

Organisée par le CSA, la première étape de l’édition 2017 débutera ce week-end en se concentrant sur la médiatisation du sport féminin. Ces 11 et 12 février, plusieurs médias proposeront une programmation autour de ces sportives oubliées du petit écran.

Nombreuses sont les femmes à s’être battues pour chambouler une pratique longtemps cloisonnée par l’homme. Leur combat perdure depuis l’Antiquité. Retour sur quelques-unes des dates-clés du processus de féminisation du sport.

  • 440 avant J.-C. L’histoire débute à Olympe. Kallipateira, une mère dévouée à l’entraînement de son garçon, se déguise en homme afin de pouvoir accéder au stade olympique, alors interdit aux femmes. Son fils remporte la course. Mais les sauts de joie de cette mère lui en font perdre ses habits masculins. A la suite de cet incident, il fut décidé que les athlètes et les entraîneurs seraient dorénavant nus. Le test de féminité était né.
  • 1851. La bourgeoisie commence à faire du sport un loisir à part entière. Mais les femmes doivent l’exercer tout en conservant une jupe longue. C’est alors qu’Amelia Jenks Bloomer intervient en 1851. Cette militante américaine du droit des femmes livre un combat pour une réforme vestimentaire en défendant une jupe courte de son invention, le bloomer, qui permet une aisance de mouvement bien plus propice à la pratique sportive.

Le bloomer, symbole d’émancipation sportive des femmes. | Wikimedia Commons

  • 1882. Paradoxalement, c’est un texte qui serait aujourd’hui jugé comme d’une infâme misogynie qui a garanti l’accès aux femmes à l’activité physique. Est formulé dans la loi de 1882 que « l’école primaire peut et doit faire aux exercices du corps une part suffisante pour préparer et prédisposer (…) les garçons aux futurs travaux de l’ouvrier et du soldat, les jeunes filles aux soins du ménage et aux ouvrages des femmes ».
  • 1900. Les femmes font leur apparition aux Jeux olympiques. Elles seront 22 (contre 975 hommes, soit 2,2 %) à obtenir le droit de concourir pour les épreuves de tennis et de golf. Charlotte Cooper et Margaret Abbott deviennent les deux premières championnes olympiques. Mais leur participation est plus que décriée, à l’instar du Dr Maurice Boigey, théoricien de l’activité physique, qui dira que « la femme n’est pas faite pour lutter mais pour procréer ».

La joueuse de tennis britannique Charlotte Cooper devient la première femme médaillée olympique lors des JO de Paris en 1900. | Wikimedia Commons

  • 1917. Les premières sections sportives féminines naissent au début du XXe siècle. Mais le scepticisme des hommes est à son paroxysme, à l’image de Pierre de Coubertin. Le fondateur du Comité international olympique (CIO) déclarera en 1912 que « les Jeux olympiques devraient être réservés aux hommes, leur rôle [aux femmes] devrait être de couronner les vainqueurs ». En retour, Alice Milliat, sportive française et ambassadrice du sport féminin, fonde en 1917 la Fédération sportive féminine internationale (FSFI) et obtiendra gain de cause : 277 femmes participeront aux épreuves d’athlétisme aux JO de 1928.
  • 1944. L’accès au droit de vote est synonyme de renouveau social. De nombreuses fédérations nationales acceptent désormais les femmes. Toutefois, certains sports, comme le football, leur restent encore interdits.
  • 1968. Lors des Jeux olympiques d’été de Mexico, Norma Enriqueta Basilio, une spécialiste du saut de haies, devient la première femme à enflammer la vasque olympique.

12 octobre 1968, cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques à Mexico. Norma Enriqueta Basilio est la première femme à enflammer la vasque olympique. | AFP / AFP

  • 1970. Peu de temps après Mai 68, la mixité des cours d’EPS est décrétée. Cette année marque également l’accès des femmes à la pratique du football.
  • 1973. La meilleure joueuse de tennis de l’époque, Billie Jean King, menace de ne pas participer à l’US Open si les femmes n’obtiennent pas exactement les mêmes droits que leurs homologues masculins. L’égalité est alors appliquée pour ce tournoi, où hommes et femmes bénéficient des mêmes gains du premier au dernier tour. L’application fut plus tardive pour les autres Grands Chelems : 2000 pour l’Open d’Australie et 2007 pour Roland-Garros et Wimbledon.

De gauche à droite : Virginia Wade (Ang), Evonne Goolagong (Aus), Rosemary Casals (USA) et Billie Jean King (USA). | AFP

  • 1981. Le CIO accueille pour la première fois des femmes parmi ses membres. Idem au ministère des sports où Edwige Avice devient ministre déléguée de la jeunesse et des sports. Lui succéderont par la suite Frédérique Bredin (1991-1993), Michèle Alliot-Marie (1993-1995), Marie-George Buffet (1997-2002), Roselyne Bachelot (2007-2010), Chantal Jouano (2010-2011), Valérie Fourneyron (2012-2014) ainsi que Najat Vallaud-Belkacem (2014).

Palais de l’Elysée - A droite, Edwige Avice, première femme ministre de la jeunesse et des sports. | PHILIPPE BOUCHON / AFP

  • 1991. La FIFA reconnaît le football féminin et organise officiellement la première Coupe du monde féminine à Pékin. Cette même année, il a également été décidé que tout nouveau sport souhaitant être inclus au programme olympique devait obligatoirement comporter des épreuves féminines.
  • 2013. Le plan de féminisation des fédérations sportives devient obligatoire.

    Il consiste à féminiser les instances de dirigeance fédérale, de l’encadrement technique et de l’arbitrage tout en promouvant le développement du sport féminin de haut niveau.

  • 2016. Aux Jeux olympiques de Rio, le pourcentage d’athlètes féminines se rapproche de la barre des 50 %, avec 4 700 participantes sur 10 500 athlètes.

Jeux olympiques de Rio 2016 - Podium féminin de l’épreuve de voile en duo. A droite, les médaillées de bronze françaises Camille Lecointre et Hélène Defrance. | BENOIT TESSIER / REUTERS

Ces pionnières, grâce à leur impulsion, ont ouvert la voie à de nouvelles générations. Selon les chiffres du ministère des sports, près de 6 millions de licences sportives ont été délivrées à des femmes en 2014. Un nombre en constante augmentation. Parallèlement, l’intérêt pour les compétitions sportives féminines est de plus en plus important : la demi-finale de la Coupe du monde de rugby opposant la France au Canada a réuni près de 2,2 millions de téléspectateurs en 2014, et la finale des championnats d’Europe de basket en 2013 entre les « Braqueuses » et l’Espagne, 3,9 millions...

Ce récent engouement populaire, mêlé à l’appui des gouvernements et des instances sportives, peut rendre optimiste sur la suite du combat de l’égalité sportive des sexes. Mais les inégalités salariales, de visibilité et d’intérêt persistent et montrent tout le chemin qu’il reste à parcourir.