Questions Politiques, la question de Pixels "taxer les entreprises du numérique"
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Comment mieux taxer les géants de l’Internet ? Cette question hante les débats sur la fiscalité depuis des années, à mesure que sont apparues les pratiques, légales, d’optimisation fiscales de nombreuses entreprises du numérique, profitant du caractère largement dématérialisé de leur activité pour payer le moins d’impôt possible.

En 2013, un rapport commandé par le gouvernement évoquait l’idée de taxer ces géants en fonction de leur utilisation des données personnelles de leurs utilisateurs. Thomas Piketty, économiste qui vient de rallier Benoît Hamon, juge l’idée « intéressante ». Cette dernière, a-t-il expliqué sur le plateau de l’émission Questions politiques, dimanche 12 février sur France Inter (et en partenariat avec Le Monde), « permettrait de surcroît de mieux réguler l’utilisation qui est faite de ces données, car l’impôt est aussi un moyen d’enregistrer les transactions et les comportements économiques ».

Il ne croit cependant pas que ce type de taxation puisse remplacer celle, plus traditionnelle, reposant sur les bénéfices :

« Il y a un risque d’oublier le sujet principal qui est il est possible de faire payer un taux correct sur les bénéfices de Google, d’Amazon… Il faut juste se mettre ensemble et que la France, l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie votent une assiette commune de l’impôt sur les sociétés. »

L’exemple des sanctions américaines

Selon M. Piketty, il est urgent de s’attaquer à cette question d’optimisation fiscale :

« On ne peut pas bénéficier du libre-échange comme l’Irlande ou le Luxembourg avec la France et l’Allemagne et siphonner la base fiscale du voisin. Ce n’est pas ça l’économie de marché, c’est du vol pur et simple. »

Pour lui, il faut que plusieurs pays d’Europe s’allient et donnent l’exemple :

« Pendant très longtemps on disait “regardez la Suisse, avec sa législation bancaire, on arrivera jamais à mettre fin aux abus”. Le jour où les États-Unis ont menacé les banques suisses de leur retirer leur licence bancaire, les banquiers avaient tellement peur de perdre leur accès au marché américain qu’ils ont changé toute leur législation. Des sanctions communes de la France, l’Italie et l’Allemagne contre les géants du Net qui ne respecteraient pas un certain nombre de règles de transparence en matière financière, fiscale, des données, cela ferait peur. »

Cet effort devra, toujours selon M. Piketty, prendre en compte « les problèmes très spécifiques qui se posent dans le secteur immatériel », à savoir les « effets de monopole naturel tenant à l’effet de réseau : ce n’est pas forcément que l’application crée par Facebook ou le moteur de recherche créé par Google soit 1 000 fois plus génial que les autres ». Pour ce faire devra ainsi être remodelée la doctrine antitrust, qui n’a pas, selon Thomas Piketty, pris le virage du numérique.