C’est l’envers du décor touristique de Paris : des sous-sols, un cimetière, des restaurants. Autant de manières d’explorer toutes les facettes de la capitale.

Le cimetière des guillotinés

Le marquis de La Fayette est enterré dans cet étonnant cimetière privé du 12e. | Jacques Demarthon/AFP

Derrière la porte du 35, rue de Picpus, s’ouvre un immense parc, rare espace de verdure à 200 mètres de la bruyante place de la Nation. Au fond, une grille donne sur le cimetière privé de Picpus. Montalembert, La Rochefoucauld-Doudeauville, Noailles, Polignac… les familles de la plus haute aristocratie française sont enterrées-là, certaines dans des caveaux majestueux, d’autres sous des pierres tombales vieillissantes. Pour comprendre, il faut remonter à 1794. Au paroxysme de la Terreur, du 14 juin au 27 juillet, Robespierre fait guillotiner 1 306 personnes, exécutées place du Trône-Renversé (l’actuelle place de l’Ile-de-la-Réunion, à Nation). Des nobles, des religieux, mais aussi des gens du peuple. La nuit, en cachette, les cadavres sont amenés en charrette jusqu’au jardin d’un ancien couvent, et jetés dans des fosses communes.

Ces fosses sont encore visibles, au fond du cimetière, derrière une grille fermée. Les descendants de ces guillotinés parviennent quelques années plus tard à les localiser et à acheter le terrain. C’est ainsi que ce cimetière continue d’accueillir les dépouilles de ces familles. Clou de la visite : la tombe du marquis de La Fayette, enterré ici en 1834, puisque la mère, la grand-mère et la sœur de son épouse, Adrienne de Noailles, étaient passées sur l’échafaud de Robespierre. Héros de la révolution américaine, Lafayette a droit chaque 4 juillet, depuis 1917, à une commémoration en présence de l’ambassadeur des Etats-Unis. La bannière étoilée flotte au-dessus de sa tombe en permanence.

Cimetière de Picpus. 35, rue de Picpus, Paris 12e. Visite du lundi au samedi, de 14 h à 17 h. Entrée 2 euros.
Tél. : 01-43-44-18-54.

Les sous-sols de Drouot

A l’étage de l’hôtel des ventes, les enchères, chaque jour à 14 heures. Au sous-sol, le ballet des « déménageurs » d’objets. | JC. Figenwaldd

11 heures. Dès l’ouverture des portes, c’est l’effervescence à Drouot. Chaque jour, 5 000 visiteurs se précipitent dans les Escalator pour découvrir les trésors que recèle chacune des 16 salles. Là, une vente de bijoux anciens, ici des maillots de foot tricolores collector, là encore, une exposition de photos contemporaines. « Le matin, les gens viennent voir les objets, les toucher, poser des questions. Puis les enchères débutent à 14 heures », raconte Philippe Ancelin, commissaire-priseur que l’on suit pour une visite privée des coulisses de l’hôtel des ventes, organisée par l’agence Les Visites particulières. « Aucun endroit au monde ne concentre autant de ventes – 1 300 par an. Et le public est hétéroclite : des collectionneurs aux petites mamies qui viennent chiner, des jeunes fiancés à la recherche d’une bague unique aux touristes curieux. »

Après nous avoir expliqué les subtilités de l’estimation et du prix de réserve, « et ce rapport au désir de l’objet si particulier que crée l’enchère », Philippe Ancelin pousse une porte qui mène à de grands monte-charges : « Le cœur de Drouot. » Dans les sous-sols, on découvre les quais de chargement, où se joue le ballet des « déménageurs » – 500 000 objets y transitent chaque année. C’est aussi là que sont stockés, dans des pièces ultrasécurisées, tous les objets déjà vendus, minutieusement étiquetés, avant que leur propriétaire vienne les retirer. Dans un coin, entre les services de porcelaine, on remarque une petite statue de Bouddha sans prétention… emportée à 115 000 euros.

L’agence de visites guidées sur mesure Les Visites particulières propose des visites privées de lieux d’exception, chasses au trésor de prestige, des circuits insolites, des ateliers participatifs… pour des groupes de 1 à 6 personnes. A découvrir, la visite privée de Drouot, avec un commissaire-priseur, mais aussi la visite « Le Vin dans l’art » : visite du Louvre avec un sommelier, suivie d’une dégustation de crus en lien avec les tableaux. A partir de 350 euros la demi-journée. Lesvisitesparticulieres.com

L’antre d’un expert en tableaux

Pour l’agence Les visites particulières, Eric Turquin montre exceptionnellement sa salle de stockage de tableaux à expertiser. | Studio Sebert

Toujours grâce à l’agence Les Visites particulières, Eric Turquin nous reçoit dans son antre du 9e arrondissement parisien. Son nom est connu : il est l’expert qui a découvert l’année dernière un Caravage (lui, en tout cas, en est convaincu, « mais tous ne partagent pas mon enthousiasme », confie-t-il). Dans une salle, sous une verrière, des centaines de tableaux attendent de connaître leur auteur… et leur valeur. Pour Eric Turquin, aucune lampe UV, aucun microscope ne remplace l’œil de l’expert. « L’expertise peut prendre dix secondes… ou dix mois ! » Au sous-sol de cet antre biscornu, une incroyable photothèque. A l’étage, par un escalier étroit, on accède à une bibliothèque de 20 000 ouvrages d’art. « Mes prédécesseurs y ont laissé des notes précieuses », raconte-t-il. L’une d’elles lui a permis d’identifier un tableau de Jean-Baptiste Pater. Et d’appeler le Musée du Louvre pour informer que la toile exposée était une copie 

Le restaurant à table unique

A 20 heures, l’épicerie ferme sa porte et devient restaurant pour 5 ou 6 convives. | LA TÊTE DANS LES OLIVES

A 20 heures, le panneau de la petite épicerie fine La Tête dans les olives, rue Sainte-Marthe (Paris 10e), indique « fermé ». Il faut malgré tout pousser la porte pour découvrir une petite table en bois et cinq chaises, installées entre les bidons d’huile d’olive et les cagettes d’agrumes. On est un peu à l’étroit, dans l’antre de Cédric Casanova – ancien funambule devenu passionné d’olives –, mais on est seuls. L’épicerie propose en effet tous les soirs une table unique. Sur le plan de travail pas bien large, la chef Hélène prépare oranges aux anchois, champignons à la tapenade et pâtes aux aubergines, pendant qu’on trempe du pain dans une huile d’olive sicilienne délicieuse. Ne pas s’attendre à des plats travaillés : ici, on picore, sans assiette, les très bons produits de la maison. Feutré et inattendu.

Les dégustations ont lieu dans la boutique de la rue Sainte-Marthe, dans le 10e, ou dans celle de la rue du Couédic, dans le 14e, de 20 h à 22 h 30. 30 €/personne pour 6 à 10 convives. Possibilité d’amener ses bouteilles de vin. Latetedanslesolives.com

Les bureaux de Clemenceau et de De Gaulle

Le 25 août 1944, de Gaulle installe le gouvernement provisoire de la République dans l’hôtel de Brienne, aujourd’hui ministère de la défense. Ici, son bureau. | ECPAD

Ici, la nuit, les fantômes de Napoléon, de De Gaulle et de Clemenceau se croisent pour deviser stratégies militaires. Jusqu’ici fermé au public, l’hôtel de Brienne, qui abrite le ministère de la défense depuis deux siècles, ouvre désormais ses portes deux fois par mois, à l’initiative du Centre des monuments nationaux. Une visite guidée qui débute à l’extérieur, pour observer la magnifique façade de cet hôtel particulier construit en 1724. Des moulures, des volutes, des armureries… mais aussi la croix de Lorraine, ajoutée au fronton en 1945.

On suit le guide dans l’escalier majestueux, celui que Napoléon grimpait quatre à quatre lorsqu’il venait dîner avec Mme Mère, qui vécut dans les lieux de 1805 à la chute de l’Empire. Chaque pièce raconte l’histoire incroyable de ce bâtiment. C’est ici que Clemenceau dirigea les opérations de la première guerre mondiale. Grâce à des photos d’époque, son bureau a été reconstitué à l’identique en 2014, à l’initiative de Jean-Yves Le Drian. Du téléphone aux cartes d’état-major, des binocles au plumier, les objets du Tigre donnent au lieu un côté émouvant.

Une porte et une guerre plus loin, voici le bureau du général de Gaulle, qu’il occupa quelques jours en 1940 lorsqu’il était secrétaire d’Etat à la guerre, mais qu’il retrouva surtout le 25 août 1944 pour y établir le gouvernement provisoire de la République. On raconte que le président égyptien Al-Sissi, fan de De Gaulle, a abusé des selfies en visitant le bureau… Le très beau jardin fait aussi partie de l’histoire. Le bâtiment étant resté étonnamment vide sous l’occupation, c’est au pied du grand chêne que Jean Moulin donnait rendez-vous aux résistants.

14, rue Saint-Dominique, 7e. Les visites ont lieu le samedi matin, à 10 heures et 11 heures. Visites complètes jusqu’en mai, mais les prochaines devraient bientôt être en vente sur www.fnacspectacles.com Tarifs : plein 15 €/réduit 4 €. Vigipirate oblige, pièce d’identité et justificatifs de paiement sont à présenter obligatoirement lors du contrôle d’accès.

Le Panthéon la nuit

A la nuit tombée, muni d’une lampe torche, nous voici partis sur les traces des « grands hommes ». Pour la première fois, le Centre des monuments nationaux ouvre le Panthéon de nuit pour une poignée de visiteurs. Une expérience étonnante, qui permet de se focaliser sur des détails, des peintures, des sculptures… Le guide joue avec les visiteurs et leur soumet des énigmes. Dans la pénombre, la crypte est impressionnante. A la fin de la visite, dans la nef plongée dans le noir, surgit la voix d’André Malraux, puis le Chant des partisans. Un moment unique.

Prochaines visites les 7 et 14 mars, réservation sur www.paris-pantheon.fr

Le loft du caviar

La table d’hôtes de la manufacture Kaviari propose de déguster trois types de caviar différents. | Nicolas Izarm

Loin du faste de Caviar Kaspia ou Prunier, il existe une nouvelle adresse de caviar « à la bonne franquette » à Paris. Caché dans le très paisible et méconnu quartier de l’Arsenal, entre la Bastille et la Seine, la manufacture Kaviari propose depuis janvier la formule « La boîte de mes rêves ». Accessible uniquement sur rendez-vous, pour un groupe de dix à douze convives, l’endroit ressemble à un loft : table sans nappe, cuillère à caviar en bois, déco chaleureuse et cosy. Kaviari joue la carte du raffinement sans chichis. Après un passage dans le labo, où un « master en caviar » vous fera goûter différents grains (Transmontanus, Osciètre – notre préféré – et Kristal), les invités passent à table avec la boîte de 1 kg de leur choix. Tous les accompagnements (blinis, œufs, produits de saison) sont offerts, le prix du dîner est celui de la boîte. Un vrai budget tout de même, à partir de 133 euros par tête.

13, rue de l’Arsenal, Paris 4e. Le dîner « La boîte de mes rêves », pour 10/12 personnes, avec un kilo de caviar Transmontanus (1 600 euros), Osciètre (2 500 euros) ou Kristal (3 000 euros). Hors alcool. Réservation au 01-44-78-90-52 ou par mail. Kaviari.fr

La cité utopique

La Fondation Deutsch de la Meurthe, une des quarante maisons de la cité universitaire, construite dans un très beau parc. | Guillaume Fauveau

C’est une cité universitaire, certes, mais tellement différente des autres campus… Une utopie pacifiste. Née en 1925, au lendemain de la première guerre mondiale, cette cité devait avant toute chose symboliser l’amitié entre les peuples, la fraternité.

Un pari réussi pour cette petite cité cosmopolite installée au milieu d’un parc de 34 hectares, dans le sud de Paris (14e), qui accueille chaque année près de 12 000 résidents de 140 nationalités. De 1925 à nos jours, ce seront finalement une quarantaine de maisons qui seront construites : d’abord la Fondation Deutsch de la Meurthe, puis celle des étudiants canadiens en 1926. Chaque pays y a laissé son empreinte, sa culture, son architecture… Ainsi, la fondation hellénique, inaugurée en 1932, avec son porche aux formes de temple grec. De même, la Maison de l’Asie du Sud-Est a des airs de pagode.

Le très beau parc comme les pavillons sont ouverts au public. Et proposent un voyage dans les univers de Le Corbusier, Lucio Costa, Willem Marinus Dudok, Claude Parent pour les bâtiments. Pour le mobilier, les grands noms de l’époque y ont apposé leur signature : Jacques-Emile Ruhlmann, Charles Eames, Arne Jacobsen, Charlotte Perriand ou encore Jean Prouvé.

Cité internationale universitaire de Paris. 17, boulevard Jourdan, 14e. L’entrée dans le parc, juste derrière Montsouris, est gratuite. Plusieurs visites guidées thématiques – ponctuelles ou sur rendez-vous – sont proposées : « Une cité d’artistes », « Architecture sans frontières », « Un parc écologique ». Compter 12 euros. Tél. : 01-40-78-50-06. www.ciup.fr/oblique/visites-guidees

Un temple bouddhiste au milieu des boutiques

On accède à ce temple bouddhiste en traversant une galerie commerciale 100 % chinoise. | FB/« Le Monde »

Il faut être un habitué pour quitter la bruyante et colorée avenue d’Ivry (Paris 13e) et tomber sur l’un des temples bouddhistes les plus attachants de la capitale, celui de l’Amicale des Teochew – prononcer « chaozhou » – en France. Venant du sud de la province du Guangdong, les Teochew sont la principale communauté d’origine chinoise en France. Entrer par le 44 de l’avenue d’Ivry, prendre l’Escalator de ce centre commercial, cheminer au milieu des boutiques 100 % chinoises, ressortir vers la dalle de l’esplanade des Olympiades… Dès que l’on pénètre dans ce temple de 200 m2, la ferveur est palpable. A droite de l’entrée, les chaussures s’accumulent. Quelques marches et l’on arrive dans une salle où trônent trois très beaux bouddhas et dix-huit luohan, les gardiens immortels, protecteurs de la Loi, disciples du bouddha Shakyamuni. Les bougies se consument lentement et une agréable odeur d’encens imprègne le lieu. On y croise quelques touristes mais aussi des fidèles qui ont, le temps d’une prière, abandonné leurs sacs de courses à l’entrée.

44, avenue d’Ivry (terrasse des Olympiades), Paris 13e. Le temple est ouvert au public, et une brochure y est en vente (1 euro). De 9 heures à 12 heures et de 14 heures à 18 heures. Tél. : 01-45-82-06-01.

La cabane au fond du jardin

Dans cette chambre à part, on se sent comme dans un cocon. | David Grimbert

Derrière Montparnasse, dans le quartier animé de Pernety (Paris 14e), le 9Hotel Montparnasse se fond dans le décor. C’est en traversant le lobby et en pénétrant dans le jardin que vient la surprise : une cabane en bois et sa jolie petite terrasse. Robinsons s’abstenir ! L’endroit n’a de cabane que le nom. A l’intérieur, les murs sont bien en lambris, mais la déco est ultra-design, le lit king size, le chevet en forme de balançoire et la salle de bains à tomber – le sol chauffant et la douche pluie nous ont conquis. A l’intérieur, on se sent à l’abri des regards et des bruits de Paris. Comme dans un cocon.

9Hotel Montparnasse, 76, rue Raymond-Losserand, 14e. Tarifs par nuitée : en semaine 199 euros, le week-end 259 euros.
Petit déjeuner compris et bouteille de champagne offerte. 9hotelmontparnasse.com