Le futur accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada, dit CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement), est-il compatible avec les objectifs de lutte contre le réchauffement climatique ? Oui, à la condition que nombre de recommandations soient encore prises en compte, indique un rapport réalisé par le Commissariat général au développement durable (CGDD) commandé le 8 novembre 2016 par Ségolène Royal, la ministre de l’environnement.

Autant dire qu’en l’état, l’accord entre l’Union européenne et le Canada pourrait aggraver la situation sur le front climatique et environnemental. C’est le point de vue de nombre d’organisations non gouvernementales qui considèrent que le texte, résultat de longues négociations ayant débuté en mai 2009, favorise l’accroissement des relations commerciales entre les deux zones – il devrait réduire de près de 99 % les barrières d’importation – au détriment des questions environnementales et de la décarbonisation de l’économie. « Le CETA fera croître les émissions de gaz à effet de serre transatlantiques, de l’aveu même de l’étude d’impact de la Commission européenne (publiée en juin 2011), contrairement aux objectifs de l’Accord de Paris [conclu lors de la COP21, en décembre 2015] », indique ainsi Maxime Combes, responsable d’Attac. Mercredi 15 février, les députés européens devraient ratifier ce traité. Il restera alors aux parlements de tous les pays concernés à se prononcer. Mais son adoption ne signifie pas la fin des discussions et des marges de manœuvre existeraient dans l’interprétation et la mise en œuvre du texte.

Définir de nouvelles règles

« Notre rapport tombe à pic puisque les parlements doivent encore voter. Ils peuvent décider de telle ou telle interprétation ou de telle mise en œuvre », a déclaré au Monde Ségolène Royal. « Il peut y avoir une mauvaise application de cet accord, mais il reste une marge de manœuvre pour qu’il soit favorable à l’emploi et au climat. Un traité de libre-échange est positif, sauf si l’environnement et le social en font les frais », a-t-elle ajouté.

Dans son rapport, le commissariat général au développement durable pointe les risques, tout en estimant qu’« il n’est sans doute jamais trop tard » pour que le CETA soit bénéfique sur le plan économique et environnemental. « En conclusion, le travail conduit montre que le CETA, s’il intègre ces recommandations, peut constituer un levier pour dynamiser la lutte contre le réchauffement climatique. (…) Ainsi, bien qu’il ne soit plus possible de modifier la substance de l’accord, il convient maintenant de s’assurer que sa mise en œuvre se fasse de la manière la plus respectueuse pour l’environnement », écrivent les auteurs du rapport.

Les neuf recommandations préconisées portent sur la nécessité de définir de nouvelles règles pour le transport maritime, d’étudier les modalités visant à interdire ou à limiter l’usage des pétroles non conventionnels au sein des Etats membres (l’importation de pétrole à partir des sables bitumineux canadiens étant dans la ligne de mire). Elles veulent aussi veiller à ce que le mécanisme de résolution des différends entre investisseurs et Etats ne puisse pas remettre en cause les engagements ambitieux pris par l’Union européenne et le Canada en matière de lutte contre le changement climatique.

Le CGDD, à l’instar des ONG, s’inquiète de l’évolution des normes. Pour lui, « en l’absence de dispositions stipulant que la convergence doit se faire sur la base du mieux-disant environnemental, il semble difficile de garantir que la convergence des normes européennes et canadiennes ne se fasse pas au détriment de la protection de l’environnement ». La crainte est aussi de voir les Etats « affaiblir ou transgresser leurs lois environnementales pour développer leur commerce ou attirer des investissements ». Pour rappel, si le Canada, comme l’Union européenne, a ratifié l’accord de Paris sur le climat, il s’était retiré en décembre 2011 du protocole de Kyoto.

La question climatique est un enjeu majeur des prochaines étapes du CETA. Pour ses opposants, « l’environnement est perçu comme un sous-secteur de la libéralisation du commerce, et les réglementations climatiques et environnementales comme des restrictions au commerce », ainsi que le rappelle Maxime Combes. Le militant d’Attac dénonce l’absence de dispositif contraignant en matière de développement durable, contrairement à certaines normes commerciales qui peuvent, en cas de non-respect, entraîner des sanctions.

Une vision trop pessimiste pour Ségolène Royal : « Il est très important de desserrer l’étau et de rappeler que l’accord de Paris, un accord universel qui traite de l’avenir de la planète, prime sur le CETA, qui est un outil commercial. La France a un rôle majeur à jouer, un devoir de vigilance et d’exigence. »