Après avoir mis un terme aux emplois d’avenir professeur (EAP 1re génération), le ministère de l’éducation nationale a lancé le dispositif Etudiant apprenti professeur (EAP 2génération). À l’origine, le programme, destiné à favoriser l’insertion professionnelle des jeunes pour réduire les inégalités sociales, offrait la possibilité à des étudiants boursiers de deuxième année de licence et de première année de master d’occuper un poste à temps partiel – 12 heures par semaine – dans un collège ou un lycée. En contrepartie, les bénéficiaires s’engageaient à passer le concours de l’éducation nationale pour devenir professeur (Capes) et percevaient environ 600 euros qui s’ajoutaient à leur bourse sur critères sociaux. « Une solution idéale pour mettre le pied à l’étrier en douceur », souligne Saadia Charkaoui, 28 ans, désormais professeure titulaire d’espagnol au lycée Gustave-Monod à Enghien-les-Bains (Val-d’Oise).

Le nouveau dispositif ne s’adresse plus seulement aux étudiants boursiers, même si la priorité leur est accordée. La rémunération varie en fonction de l’âge et du niveau d’études (entre 61 % et 81 % du smic, abondé des aides financières éventuelles). En revanche, l’étudiant apprenti professeur ne peut plus bénéficier des bourses sur critères sociaux.

Objectif social

L’idée est de mieux définir les missions et d’adopter un cadre plus contraignant, aussi bien pour le futur professeur que pour le professeur tuteur, désormais maître d’apprentissage. Un nouvel habit qui sied mieux au système de l’université, plus habituée à ce mécanisme, et qui freinait des quatre fers devant les contraintes d’organisation des « EAP première génération ». « Le dispositif s’adresse désormais aux étudiants qui envisagent de devenir professeur de mathématiques, de lettres, d’anglais, d’allemand au collège ou au lycée mais aussi professeur des écoles dans les académies d’Amiens, Créteil, Guyane, Reims ou Versailles », peut-on lire sur le site de l’éducation nationale.

« Ce contrat m’a permis d’être prête pour l’oral et de vérifier que le métier me plaisait. Ma tutrice m’a appris à corriger des copies, à justifier mes choix de notation, à mettre une appréciation. » Saadia Charkaoui, professeure d’espagnol au lycée Gustave-Monod à Enghien-les-Bains (Val-d’Oise).

Mais malgré des dysfonctionnements d’articulation entre les établissements et l’université – crédits universitaires pas accordés malgré les textes, difficultés à mener d’un même front présence au travail et études à l’université, mauvais accueil de certains tuteurs qui dénoncent « ce vivier de remplaçants mal payés » –, les anciens EAP gardent un souvenir enthousiaste de cette immersion dans l’enseignement : « Même si mes professeurs d’université considéraient plus mon travail comme un job chez Mac Donald’s que comme une vraie préparation au métier, je recommande cette formation. Ce contrat m’a permis d’être prête pour l’oral et de vérifier que le métier me plaisait. Ma tutrice m’a appris à corriger des copies, à justifier mes choix de notation, à mettre une appréciation », explique Saadia Charkaoui.

Sa tutrice, Elisabeth Sultan, professeure d’espagnol au lycée Paul-Langevin à Suresnes (Hauts-de-Seine), y a trouvé l’occasion « de transmettre le métier tout en ayant un regard neuf puisque nous échangions beaucoup à chaque fin de cour. Il faut leur donner envie de devenir professeur et leur faire découvrir la réalité du terrain, explique-t-elle. Nous les informons aussi sur la structure d’un établissement et ses différents acteurs. Ils découvrent les différentes instances pédagogiques, éducatives et administratives ».

« Montrer l’intérêt de cette profession »

Une expérience également déterminante pour Naïda Fanze, 24 ans, aujourd’hui professeure titulaire dans un collège de Ris-Orangis (Essonne) classé en réseau d’éducation prioritaire. La jeune femme a intégré un collège dès sa deuxième année de licence langues, littératures, civilisations étrangères (LLCE) : « J’étais très timide mais, petit à petit, j’ai réussi à asseoir mon autorité, dit-elle. Le professeur qui m’encadrait m’a montré toutes les ficelles du métier. Même si l’organisation entre collège et université est très compliquée, et que certains universitaires dévalorisent cette expérience, le pari s’est révélé gagnant puisque j’ai réussi le concours. »

L’autre vocation de cette formation préprofessionnalisante, au-delà de l’objectif social, est de recruter des professeurs dans certaines zones déficitaires. « Il faut montrer l’intérêt de cette profession à un moment où elle n’attire plus beaucoup d’étudiants », souligne Elisabeth Sultan, ravie de l’expérience et prête à accueillir de nouveaux apprentis. Sa première stagiaire est devenue professeure, la seconde prépare le concours de professeur documentaliste et la troisième a interrompu le contrat pour se consacrer à ses études.