Manifestation de l'association Mururoa e Tatou, qui lutte pour les droits des anciens travailleurs du Centre d'expérimentation du Pacifique, le 26 juillet 2003 à Faaa (Poynésie). | VALERIE MACON / AFP

L’événement est suffisamment rare pour être souligné. Mardi 14 février, le Sénat a définitivement adopté, à l’unanimité, comme cela avait déjà été le cas à l’Assemblée nationale cinq jours plus tôt, le projet de loi pour l’égalité réelle des outre-mer. Pour une des toutes dernières lois du quinquennat – le Parlement suspendra ses travaux le 23 février –, le gouvernement obtient un succès après lequel il aura vainement couru pendant toute la législature.

Ce vote conclut un parcours qui aura vu le texte initialement proposé par la ministre des outre-mer, Ericka Bareigts, passer de 15 articles à 141 à l’arrivée. Le projet de loi, qui avait suscité un certain scepticisme au départ, s’est considérablement enrichi au fil des débats parlementaires. Cette loi « trace un chemin pour l’avenir, se félicite Mme Bareigts, elle traduit un véritable changement de vision des outre-mer ».

L’objectif est d’adapter les politiques publiques aux réalités de chaque territoire en définissant, en partenariat avec l’Etat, des plans de convergence et des stratégies de développement. Mais ce qui pouvait apparaître initialement comme une déclaration de bonnes intentions est désormais accompagné de mesures structurantes en matière d’ancrage dans leur bassin océanique, de soutien au tissu économique, de lutte contre le mal-logement ou de mobilité pour les ultramarins. Le texte s’est en outre doté d’un volet particulier en faveur de Mayotte, où les besoins de rattrapage des inégalités sont particulièrement exacerbés.

« Moment historique »

Jusqu’au bout, cependant, un article aura soulevé de vives controverses : celui portant sur l’indemnisation des victimes des essais nucléaires en Polynésie française. Entre 1966 et 1996, la France a procédé à 193 essais nucléaires dans les atolls de Mururoa et Fangataufa, engendrant de graves conséquences sanitaires et environnementales. La loi Morin de 2010 a instauré un dispositif d’indemnisation, mais assorti de conditions très restrictives. Seule une vingtaine de Polynésiens ont à ce jour obtenu une réparation. Quantité de dossiers ont été rejetés au motif que le risque d’un lien entre la maladie et l’impact des essais nucléaires était « négligeable ».

Lors de son voyage en Polynésie, en février 2016, François Hollande s’était engagé à élargir les conditions d’indemnisation. Le gouvernement, initialement, souhaitait seulement abaisser le seuil du risque de causalité. Il s’est finalement rangé à la demande de supprimer définitivement la notion de « risque négligeable ». Pour les Polynésiens, comme l’ont souligné leurs représentants, ce vote constitue « un moment historique ».