Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahoun, et le président américain, Donald Trump, le 15 février à Washington. | EVAN VUCCI/ AP

Editorial du « Monde ». Il faudra attendre plusieurs mois avant de mesurer l’implication exacte des propos vagues et parfois contradictoires qu’ont tenus Donald Trump et Benyamin Nétanyahou. En recevant à la Maison Blanche, mercredi 15 février, le premier ministre israélien, le président américain a voulu marquer sa différence, sur le fond et sur la forme, avec son prédécesseur, Barack Obama. Les deux dirigeants ont échangé amabilités et gestes d’estime. Les messages adressés en public suscitent toutefois des interrogations.

Avec ce mélange de nonchalance et d’inconscience qui caractérise souvent ses prises de position en politique étrangère, Donald Trump a balayé, mercredi 15 février, un des piliers de la diplomatique américaine au Proche-Orient : l’attachement à la solution à deux Etats, l’un israélien, l’autre palestinien. Le président américain a expliqué que tout format lui irait, y compris un seul Etat pour deux peuples, dès lors que les deux parties se mettraient d’accord. Ce qui devait passer pour une forme de pragmatisme est une absurdité. M.Trump a ainsi ouvert la porte à une solution qui n’en est pas une : un Etat binational.

Cette impasse, dont le prix financier, sécuritaire et politique serait calamiteux pour Israël, sans parler de son impact démographique, n’est même pas souhaitée par Naftali Bennett, le leader du parti national religieux Le Foyer juif. Et M. Nétanyahou n’est pas davantage décidé à s’engager dans cette voie, lui qui résiste, pour l’instant, aux appels de l’extrême droite, réclamant une annexion de la zone C (60 % de la Cisjordanie). Quant à l’Autorité palestinienne, elle a toujours refusé d’envisager un autre format qu’un Etat à part entière, la Palestine étant déjà reconnue par plus de 130 pays.

Retrouver le rôle de médiateur exclusif

Répétant qu’il voulait un « deal », Donald Trump a cru avoir une pensée innovante en évoquant un cadre régional pour résoudre le conflit. La Ligue arabe a proposé dès 2002 un plan de paix, qu’Israël a ignoré. Ce plan proposait un chemin vers un Etat palestinien, après un retrait israélien des territoires occupés, avec l’engagement en retour d’accords de paix entre pays arabes et l’Etat hébreu. Ce cadre multilatéral a également été au cœur de l’initiative française de juin 2016 et janvier 2017. En réalité, les Etats-Unis veulent retrouver leur rôle de médiateur exclusif entre les deux parties du conflit. Les critiques adressées par le président américain contre l’ONU, qui serait trop orientée contre Israël, s’expliquent ainsi.

Donald Trump a réservé une seule demande désagréable à son invité israélien : il l’a appelé, devant la presse, à la « retenue » concernant le développement des colonies. La demande d’un gel des constructions avait été formulée par Barack Obama en 2009. M. Nétanyahou s’est contenté de redire que la colonisation ne se trouvait pas au cœur du conflit. Il devra gérer, de retour en Israël, les membres de sa coalition qui imaginaient déjà une impunité totale dans le développement des colonies. M. Nétanyahou a aussi réitéré la demande de reconnaître l’annexion israélienne du plateau du Golan, qui fut refusée par Barack Obama.

Au final, le chef du gouvernement israélien a de quoi se réjouir. Le flou qui entoure les intentions américaines convient à ses habitudes. M. Nétanyahou continue à ne pas prôner l’annexion de la Cisjordanie, sans s’engager pour un Etat palestinien. Comme si les aiguilles de l’horloge pouvaient être à jamais bloquées.