Des samouraïs contre des Vikings ? Si « For Honor » se prend très au sérieux, mais il ne pousse pas le vice jusqu’à tenter de justifier son univers. | Ubisoft

Il y a un truc très enfantin dans les prémices de For Honor. Quelque chose de profondément « jeu vidéo », au sens le plus régressif et réjouissant du terme : qui est le plus fort, du Viking, du chevalier ou du samouraï ?

Depuis son annonce par Ubisoft en 2015, on se demandait bien ce que For Honor avait de plus à offrir que ce pitch génial. Jeu aux contours flous, il ne semblait respecter aucun canon, ne ressembler à rien d’existant. Improbable audace, comme un accident, une anomalie, dans une industrie qu’on sait frileuse.

On en sait désormais beaucoup plus, depuis sa sortie, mardi 14 février, sur PC, PlayStation 4 et Xbox One : For Honor est un jeu qui mêle des affrontements multijoueurs en arène, à la façon d’un Call of Duty médiéval (comme le moins connu Chivalry), tout en favorisant les duels très techniques qui le rapprochent, contre toute attente, d’un jeu comme Street Fighter.

Titre essentiellement multijoueur, For Honor propose jusqu’à huit joueurs de s’affronter dans des combats rapprochés. Selon le mode de jeu, il s’agit de remporter un duel ou une bataille, dans la peau de douze personnages qui sont autant de classes aux caractéristiques différentes.

Le sel venant qu’une fois face à face, deux héros peuvent se « verrouiller » l’un l’autre et entrer en phase de duel. For Honor devient alors un jeu fort technique, où il faut choisir autant la direction de ses coups que celle de ses parades, tout en jouant du contre, de l’esquive, et des coups spéciaux, exclusifs à chaque personnage. Surtout, il est question de déchaîner, sur les défenses et les chairs de l’adversaire, de gigantesques coups d’épée au ralenti.

For Honor - Trailer de lancement
Durée : 01:43

Les lames vrombissent et les corps saignent

Parce qu’outre Chivalry ou Street Fighter, il y a dans les combats de For Honor un peu de l’influence de Dark Souls. Le jeu d’Ubisoft réussit en tout cas à capturer son côté extrêmement physique. Le travail sur les animations, les graphismes, le son, est à ce titre remarquable : on ressent chaque coup jusqu’au bout de la manette.

Les personnages, tous casqués, ne sont que des corps : masculin ou féminin, mais systématiquement colossaux, musculeux, souvent monstrueux. Ici, tout le monde fait deux mètres trente et soulève des armes qui ne peuvent raisonnablement pas faire moins de cent kilogrammes.

Ça grogne, ça souffle, s’essouffle, ça frappe et ça rue, ça encaisse les coups dans un grognement tandis que les lames vrombissent, que les armures se fendent, que les boucliers craquent et que les corps se couvrent de sang.

A l’opposé de la violence abstraite de la plupart des jeux multijoueurs, où l’on tire une balle comme on frapperait un ballon de foot, For Honor s’attarde sur le sujet, l’esthétise, le sublime. Jusqu’au malaise parfois, quand il s’agit d’achever un adversaire en gros plan pour éviter qu’ils ne se relèvent.

N’empêche qu’on n’a jamais vu, dans un jeu vidéo, des affrontements médiévaux retranscrits de façon aussi spectaculaire : le joueur fait face à une version interactive des meilleures scènes de Braveheart, ou de la dernière saison de Game of Thrones et tant pis s’il gagne en adrénaline ce qu’il perd parfois, un peu, en lisibilité.

Il faut avoir vu le dernier membre de son équipe se battre seul contre deux, voire trois ou quatre adversaires, parer de justesse leurs armes, encaisser leurs coups, esquiver avec l’énergie du désespoir, mort d’avance mais avec la fureur de celui qui y croit encore, tandis que résonnent les roulements martiaux de la bande-son, accompagnés uniquement des rythmes asynchrones des lames qui s’entrechoquent.

Essentiellement multijoueur

Concernant son contenu multijoueur, For Honor est un jeu riche. Il y a les modes duels et rixes, qui opposent des joueurs lame contre lame, dans une sorte d’équivalent boueux et sanglant de Street Fighter. Il y a les matchs à mort, ou le mode capture de zone « Dominion », plus fouillis, plus réjouissants aussi, où jusqu’à huit héros s’affrontent au milieu d’un champ de bataille aux côtés de la piétaille. Il y a accessoirement une carte stratégique, où les joueurs affiliés à un camp (viking, chevalier, samurai) peuvent poser les pions gagnés à chaque match pour redessiner progressivement une ligne de front, les récompensant à terme de divers bonus statistiques et cosmétiques.

Il y a aussi dans For Honor des niveaux à gagner, des équipements à débloquer, des ordres à remplir (deux missions quotidiennes, les mêmes pour tous), des contrats à honorer (des sortes de défis à la carte), et surtout, la promesse de pouvoir jouer des dizaines d’heures sans en avoir maîtrisé toutes les subtilités.

Voilà pour le multijoueur. On aimerait pouvoir en dire autant du mode « Histoire ». D’autant qu’avec ses mécaniques de jeu inédites, ses graphismes beaux à tomber et son parti pris si physique et si original, il y avait matière à proposer une expérience valable. Las : il ne s’agit en fait que d’une longue préparation au multi, une dizaine de missions répétitives uniquement destinée à familiariser le débutant à douze personnages a priori (et a priori seulement) tellement interchangeables.

Dans « For Honor », et contrairement à ce que son nom indique, tous les coups sont permis. | Ubisoft

Les joueurs qui ne seraient pas certains de passer des dizaines d’heures sur un mode multijoueur extrêmement technique et compétitif feraient donc bien d’y réfléchir à deux fois.

D’autant que la richesse de For Honor a un prix. Ou plutôt, plusieurs. A 60 euros le jeu de base, on aurait pu s’attendre à davantage de générosité de la part d’Ubisoft, qui n’hésite pourtant pas à facturer 40 euros supplémentaires pour une extension à venir (de nouveaux guerriers notamment), 25 euros pour ceux qui voudraient débloquer d’office toutes les compétences, 50 euros par an pour bénéficier d’un bonus de points d’expérience, et jusqu’à 200 euros à celui qui voudrait acheter… toutes les tenues alternatives.

La boutique intégrée au jeu et ses macarons agressifs (« 100 euros : une affaire ») font à ce titre, pour un jeu aussi cher, un poil vulgaire.

Qui est le plus fort, du Viking, du chevalier ou du samouraï ? Quand on a 12 ans, c’est la seule question qui compte ; quand on joue à For Honor aussi. Mais êtes-vous prêts à payer le prix pour le découvrir ?

En bref

C’est plutôt pour vous si :

  • Vous aimez les récits de chevaliers
  • Vous aimez les séries sur les Vikings
  • Vous aimez les films de gladiateurs

Ce n’est pas pour vous si :

  • Vous cherchez une histoire
  • Vous cherchez une cohérence scénaristique
  • Vous cherchez vos clés, vous êtes bloqué dehors et vous avez d’autres priorités, là, tout de suite

On a aimé :

  • Le rapport très physique au duel
  • Les graphismes à tomber par terre
  • La profondeur des mécaniques de jeu

On n’a pas aimé :

  • La prise en main un peu laborieuse et le multi sans pitié
  • Le mode « Histoire » sous exploité
  • Le prix pas loin d’être prohibitif

La note de Pixels

Prêt à débourser 30 euros, sur les 60 demandés