La belle photo n’aura pas attendu longtemps avant d’être écornée. Un peu plus de deux semaines après le triomphe de l’équipe de France, dimanche 29 janvier, au terme d’un championnat du monde à domicile marqué par une ferveur inédite, la famille du handball tricolore se dispute violemment. Raison : l’interminable « affaire des paris », qui suscite une poussée de fièvre entre la Fédération française (FFHB) et le club historique du hand hexagonal, le Montpellier Handball (MHB).

Trois jours après leur sacre à ­Paris, les frères Karabatic sont condamnés par la cour d’appel de Montpellier, mercredi 1er février, à des peines plus lourdes que celles prononcées en première instance pour leur implication dans ladite affaire : Luka (pour « escroquerie ») et Nikola (« complicité d’escroquerie ») se voient infliger deux mois de prison avec sursis et 10 000 euros d’amende. Ils se sont pourvus en cassation.

« Comme se fait-il que des gens qui ont truqué un match ne soient pas suspendus ? »
(Patrice Canayer, entraîneur principal du PHB)

Moins d’une semaine plus tard, en conférence de presse, les dirigeants du MHB décochent leurs flèches. « Nous attendons désormais les suites que vont donner les instances du handball français à cette affaire, lance le président Rémy Lévy, mardi 7 février. C’est important d’avoir une position claire sur cette affaire, car certaines valeurs ont été bafouées. » L’entraîneur Patrice Canayer ajoute : « Comment m’expliquer que Geoffroy Krantz [joueur de Saint-Raphaël, champion d’Europe 2006 avec les Bleus] soit suspendu un an pour dopage [en 2014], et que des gens qui ont truqué un match ne soient pas suspendus ? A ceux qui nous donnent des leçons de morale, M. Onesta en tête, il faudra se justifier. » La charge est virulente.

« Une position excessive »

Le MHB n’a pas digéré la « leçon de morale » délivrée par l’ancien sélectionneur des Bleus (2001-2016), le 26 décembre 2016, lors d’un entretien au Midi libre, dans lequel il laissait entendre que le club avait été négligent dans une affaire qu’il aurait dû voir venir : « Quant au Montpellier Handball, qui joue les vierges effarouchées, il faut qu’il assume sa part de responsabilité. Toute la France savait que tous les joueurs de foot, de rugby, ou de hand­ball pariaient. S[’il] avai[t] un peu plus écouté [s]on vestiaire, l’incendie n’aurait peut-être pas pris. »

Claude Onesta a répondu à l’attaque du MHB dans un communiqué, lundi 13 février : « C’est sous l’autorité de Patrice Canayer, au double titre d’entraîneur et de manageur général, que l’affaire des paris a vu le jour au Montpellier Handball. Sous ma responsabilité en équipe de France, les joueurs concernés par l’affaire ont toujours fait preuve d’une moralité sans faille. »

« Un écran de fumée destiné à discréditer le club, victime dans ce dossier »
(Rémy Lévy, président du Montpellier Handball)

« C’est d’autant plus pénible, explique Onesta au Monde, qu’il nous reproche de sélectionner en équipe de France des joueurs concernés, alors que lui a continué à en utiliser dans son club. » Il est vrai que certains mis en examen, comme le Slovène Dragan Gajic, ont même vu leur contrat prolongé par le MHB au plus fort de la tempête judiciaire. « Ce communiqué, ce n’est absolument pas contre Patrice Canayer. C’est contre sa position dans cette affaire, qui est une position excessive, et directement liée à des enjeux financiers, plus qu’à la morale. »

Car, selon la Fédération, l’attitude des dirigeants montpelliérains est clairement une question d’argent : le club en a perdu beaucoup à cause de l’affaire – le sponsor Brother a, par exemple, retiré sa participation de 400 000 euros –, mais il était déjà dans le rouge financièrement avant qu’elle éclate. « Aujourd’hui, affirme un dirigeant de la FFHB, le MHB veut faire passer les joueurs pour des pestiférés qui ont créé le préjudice financier du club, afin de pouvoir les attaquer pour récupérer le pognon. » Le club réclamait 1 million d’euros de dommages et intérêts, mais sa constitution de partie civile a été rejetée, alors il les réclamera de nouveau lors de la procédure civile qui suivra sans doute la procédure pénale en cours.

La théorie de la FFHB est « un écran de fumée destiner à discréditer le club, qui est victime dans ce dossier, et nier le préjudice, donc les faits eux-mêmes, se défend Rémy Lévy, avocat de profession. Et, à vrai dire, je ne vois pas trop le lien entre le préjudice du club et l’escroquerie en bande organisée, avec des méthodes du grand banditisme, ainsi que le trucage du match relevés par les juges. »