Dans un immeuble détruit par des séparatistes pro-Russes, à Avdiivka, dans l’est de l’Ukraine, le 3 février. | ALEKSEY FILIPPOV / AFP

Jens Stoltenberg, secrétaire général de l’OTAN depuis 2014, était à Munich, vendredi 17 et samedi 18 février, pour la 53e Conférence sur la sécurité, aux côtés d’une vingtaine de chefs d’Etat et de gouvernement et d’environ 80 ministres de la défense et des affaires étrangères.

Le ministère allemand de la défense a confirmé, jeudi, les informations de l’hebdomadaire Der Spiegel selon lesquelles des soldats de la Bundeswehr déployés en Lituanie dans le cadre de l’OTAN ont été faussement accusés de viols. Que pensez-vous de cette affaire ?

La police lituanienne a enquêté et démontré que ces accusations étaient sans fondement. Cette histoire rappelle à quel point il est important d’établir les faits, de rester vigilant en matière d’information et surtout de veiller à l’indépendance des médias. Je vous fais confiance, à vous journalistes, pour établir la vérité. L’OTAN ne fera jamais de propagande pour contrer la propagande des autres. Ce n’est pas notre façon de faire.

Craignez-vous que ce type de campagne de désinformation perturbe l’élection présidentielle française ?

Nous sommes préoccupés par le bon déroulement des élections dans l’ensemble des Etats européens membres de l’OTAN. Nous savons que des cyberattaques ont visé le Bundestag allemand, la chaîne de télévision française TV5, des partis politiques norvégiens, mais aussi le Parti démocrate aux Etats-Unis.

« Il n’y a pas d’alternative à la mise en œuvre des accords de Minsk »

A part affirmer qu’il faut une presse libre et indépendante, que peut l’OTAN face à ces nouvelles formes de menaces qualifiées de « guerres hybrides » ?

Face aux cyberattaques, par exemple, nous développons des technologies et nous avons mis en place une équipe d’intervention rapide qui peut être déployée dans les Etats membres pour les aider à protéger leurs réseaux en cas de besoin. Enfin, nous aidons ces Etats à mettre en place leurs systèmes de protection.

Avez-vous identifié l’origine de ces attaques ?

Les pays concernés ont pu établir qu’il y avait souvent des Etats derrière, et notamment la Russie. Les attaques qui visent l’OTAN sont de même nature. Elles sont de plus en plus nombreuses et de plus en plus sophistiquées. L’année dernière, il y en a eu en moyenne 500 par mois nécessitant l’intervention de nos experts, soit 60 % de plus qu’en 2015.

Mardi 14 février, les Etats-Unis ont accusé la Russie d’avoir déployé un missile de croisière en secret. Condamnez-vous une telle initiative ?

Les Etats-Unis ont considéré que la Russie avait violé le traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire [signé en 1987 entre Washington et Moscou]. Ce traité est très important car il a permis de mettre l’Europe à l’abri de la menace nucléaire. Nous attendons des Etats-Unis qu’ils communiquent à l’OTAN leur évaluation de la situation de la Russie à l’égard de ce traité. Son application pleine et entière, pierre angulaire du contrôle des armements, est essentielle, et toute violation constituerait un motif de grande inquiétude.

Comment jugez-vous l’évolution de la situation en Ukraine ?

D’abord, je voudrais saluer le rôle de la France qui, de concert avec l’Allemagne, s’efforce d’aboutir à une solution politique en Ukraine, et rend compte régulièrement à ses alliés de l’OTAN de la mise en œuvre des accords de Minsk [signés en février 2015]. Une nouvelle réunion quadripartite, de « format Normandie », se tient ce samedi à Munich. Il n’y a pas d’alternative à la mise en œuvre de ces accords, qui impliquent à la fois un cessez-le-feu, un retrait des armes lourdes et un accès complet des observateurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Or ce n’est pas le cas aujourd’hui. Nous avons au contraire constaté un regain de la violence depuis le début de l’année.

Etes-vous rassuré par les dernières déclarations venues des Etats-Unis sur l’Ukraine ?

Les Etats-Unis ont redit leur attachement à l’intégrité territoriale de l’Ukraine et à la mise en œuvre totale des accords de Minsk. C’est important.

En avez-vous parlé avec Sergueï Lavrov, le ministre russe des affaires étrangères, que vous avez rencontré vendredi à Munich ?

Oui. C’est d’ailleurs parce que nous sommes en désaccord sur l’Ukraine qu’il est important que l’on se parle. L’OTAN ne veut pas de confrontation avec la Russie. L’OTAN ne veut pas de nouvelle guerre froide. L’OTAN ne veut pas d’escalade de la violence. Il faut un dialogue. Mais l’OTAN doit être ferme dans sa relation avec la Russie.