Gaëtan Borde, chez lui dans le quartier de Shoreditch, à Londres. | Guilhem Alandry/Documentography pour "Le Monde"

A 24 ans, Gaëtan Borde peut se targuer d’un parcours sans faute. Durant ses études à Supinfocom ­Rubika, une école de design, d’animation et de jeux vidéo, il a réalisé avec quatre camarades un film d’animation, La Légende du Crabe Phare, qui a récolté plusieurs récompenses internationales, dont le prix du meilleur projet étudiant du Siggraph ­ (séminaire international de l’infographie et des techniques interactives), près de Los Angeles. A peine diplômé, il a été recruté en 2015 par Nexus, un studio d’animation à Londres. Il nous raconte sa trajectoire éclair.

Quelles études avez-vous suivies ?

Au lycée, j’ai choisi la série scientifique car je me débrouillais bien en mathématique et en physique, mais je voulais m’orienter vers le domaine artistique. Sur le conseil de ma mère, je me suis rendu aux journées portes ouvertes de plusieurs écoles. J’ai eu un coup de foudre pour Supinfocom Rubika à Valenciennes, en découvrant ses films et la qualité de son travail. Etant originaire de Picardie, c’est aussi l’établissement qui était le plus proche de moi. J’y suis entré directement après le baccalauréat, après avoir réussi le concours d’entrée.

Pendant les deux premières années, on apprend surtout le graphisme et la vidéo. Les trois années suivantes sont davantage consacrées à l’image de synthèse en 3D. Au cours du cursus, on réalise deux courts-métrages, l’un individuellement et l’autre en groupe. Ce sont ces films qui nous servent de curriculum ­vitae. On peut les montrer aux professionnels qui sont invités à participer au jury en fin d’année.

La légende du Crabe Phare
Durée : 00:51

En matière de formation, quels conseils donneriez-vous à un jeune qui rêve ­de rejoindre ce secteur ?

Au lycée, la filière n’est pas déterminante, mais il est préférable de choisir l’option arts plastiques et de suivre en parallèle des cours de dessin pour exercer son œil. Je recommande aussi d’aller aux portes ouvertes des écoles, de rencontrer des professionnels et de regarder des making-of de films d’animation. Quant aux formations dont j’entends le plus de bien, je peux citer, entre autres, Supinfocom Rubika, l’école d’animation 3D Mopa, ArtFx, qui forme aussi à la 3D, les Gobelins, l’Ecole supérieure des métiers artistiques (Esma), l’Ecole des métiers du cinéma d’animation (Emca) ou les diplômes des métiers d’art (DMA) en cinéma d’animation. Des studios de Londres recrutent à la sortie de ces écoles, c’est d’ailleurs ce qui s’est produit pour moi.

Comment avez-vous été embauché ?

Basé à Londres, Nexus Productions vient régulièrement aux journées portes ouvertes de Supinfocom Rubika, comme beaucoup d’autres studios d’animation. Ils mènent des entretiens avec les étudiants ou font des conférences pour présenter leur travail. Ces échanges permettent aux diplômés de trouver rapidement du travail. Pour ma part, Nexus m’a proposé un poste de « rigger » deux mois après la fin de mes études. Le rigger anime un personnage en 3D en créant une ossature numérique. Nexus m’a choisi parce que je maîtrise un logiciel spécifique, mais aussi parce que j’ai des compétences plus générales et que je sais comment faire un film. C’est une entreprise qui compte une cinquantaine de salariés, dont un tiers de Français parmi les infographistes. Et les derniers jeunes recrutés sont tous français. Au Royaume-Uni, il existe assez peu de formations du même niveau que les écoles françaises, donc les Britanniques recrutent en France, mais aussi dans toute l’Europe.

« Les studios cherchent des personnes cool qui aiment le travail en équipe. C’est un petit milieu, il faut donc veiller à son image. »

Le passage par l’étranger est-il incontournable dans le secteur de l’animation ?

Environ la moitié de ma promotion de Supinfocom Rubika travaille aujourd’hui à l’étranger. Une expérience dans un grand studio américain ou à Londres constitue une excellente carte de visite. Pour autant, il est possible d’effectuer un très bon parcours en France. De gros studios s’y sont installés comme Illumination Mac Guff, qui réalise au moins deux longs-métrages par an. Beaucoup de mes amis y travaillent. Le secteur français de l’animation n’a donc pas à rougir, avec des entreprises qui font jeu égal avec les studios américains.

Comment évoluent les perspectives d’emploi sur le plan international ?

Le Royaume-Uni, le Canada et les Etats-Unis restent les trois pays les plus présents dans le secteur de l’animation. Le Canada monte en puissance actuellement. En revanche, il est devenu beaucoup plus difficile d’entrer aux Etats-Unis. Certains studios américains feraient même d’abord travailler des non-Américains dans leurs filiales en Inde, pour ensuite faciliter leur immigration aux Etats-Unis. J’ai aussi quelques amis qui sont partis faire carrière au Japon et en Chine. Dans l’avenir, l’Australie et la Nouvelle-Zélande devraient également gagner du terrain, car l’industrie de l’animation se développe dans ces pays.

A vos yeux, quels seront les profils recherchés dans les années à venir ?

Après s’être beaucoup développée, la technologie 3D devrait a priori se stabiliser. Mais les studios vont continuer à chercher des infographistes 3D [riggers, animateurs, modeleurs…]. Ils attendent des personnes cool qui aiment le travail en équipe. C’est un petit milieu, il faut donc veiller à son image. Souvent, les recrutements fluctuent en fonction des projets de films. Mais globalement, le secteur se porte bien et il n’est pas très difficile de trouver du travail.