L’affaire d’Aulnay-sous-Bois – Théo L. a été gravement blessé, notamment à l’anus, lors d’une interpellation violente le 2 février – a jeté une lumière crue sur une confrontation qui se joue au quotidien, dans les quartiers populaires, entre jeunes et policiers : les contrôles d’identité récurrents y sont l’occasion de face-à-face tendus.

En France, l’exécutif continue de refuser de mettre en place un système de récépissé, pourtant préconisé par le défenseur des droits, Jacques Toubon, qui dénonce des « contrôles au faciès », ne faisant l’objet « d’aucune traçabilité, ce qui empêche d’en déterminer précisément les contours, ou d’évaluer leur efficacité ». Les contrôles d’identité sont-ils également l’objet de débats dans d’autres pays européens ? Etat des lieux au Royaume-Uni et en Allemagne.

  • Au Royaume-Uni, des récépissés systématiques

Au Royaume-Uni, les contrôles d’identité n’existent pas formellement puisque les cartes d’identité sont inconnues, mais la police a le droit de pratiquer le stop and search, autrement dit une interpellation, éventuellement assortie d’une fouille. Cela n’est légalement possible que s’il existe un « motif raisonnable » de suspecter la commission d’une infraction, mais cette exigence disparaît en cas d’événement violent.

Plus de 380 000 contrôles de ce type ont été effectués en 2016, mais ce nombre est en diminution nette et constante sous la pression du ministère de l’intérieur. Theresa May, lorsqu’elle avait en charge cette administration (entre 2010 et 2016), a menacé de limiter la légalité du stop and search si les forces de police – qui sont des entités régionales – ne se pliaient pas à des règles strictes de transparence destinées à éviter la discrimination et à préserver les relations avec les habitants.

Les policiers doivent notamment collecter des statistiques mettant en rapport le motif du contrôle et son résultat (16 % ont abouti à une arrestation en 2016), prévoir la possibilité pour les jeunes des quartiers de participer à des patrouilles et mettre en œuvre un mécanisme de gestion des plaintes des habitants. Toute personne contrôlée doit recevoir un procès-verbal ou un reçu pouvant servir de base à une plainte. Si ce n’est pas matériellement possible, ce document est disponible pendant les trois mois suivants.

L’opinion et les responsables politiques se montrent extrêmement sensibles à la question du racisme dans la police, considérée comme un élément déclencheur des émeutes de Brixton en 1981 et qui a abouti à la mise en cause du « racisme institutionnel » de policiers après le meurtre, en 1993, de Stephen Lawrence, un adolescent noir.

C’est ainsi qu’aujourd’hui, afin de lutter contre les discriminations, les statistiques mentionnent systématiquement la « race » des personnes contrôlées. Des résultats qui font l’objet d’un large débat public et de comparaisons régionales. En 2016, une personne issue des minorités ethniques a couru trois fois plus de risque d’être contrôlée qu’un individu blanc, et même six fois plus si cette personne est noire. Une réalité qu’Amber Rudd, l’actuelle ministre de l’intérieur, a qualifiée de « complètement inacceptable ».

  • En Allemagne, une polémique peu durable

En Allemagne, c’est un tweet qui a récemment relancé le débat sur les contrôles au faciès. Posté à 23 h 08 par la police de Cologne, au soir du 31 décembre 2016, celui-ci indiquait que « de nombreux Maghrébins avaient été contrôlés à la gare centrale ». Cette décision faisait suite aux critiques contre les autorités de Cologne, mises en cause pour n’avoir pu empêcher les agressions sexuelles dont quelque 650 femmes avaient été victimes au cœur de la ville, lors de la nuit de la Saint-Sylvestre 2015-2016.

A gauche, plusieurs responsables politiques se sont indignés, à l’instar de Christopher Lauer, du Parti social-démocrate (SPD), pour qui « le fait de cibler ainsi plusieurs centaines de personnes revient à stigmatiser une certaine catégorie de la population selon son apparence ».

La polémique, cependant, est vite retombée. Plutôt que d’accabler la police de Cologne pour ces contrôles au faciès, l’opinion allemande a surtout retenu le fait que, cette fois, la ville n’avait pas été le théâtre de centaines d’agressions sexuelles pendant la nuit de la Saint-Sylvestre.