Donald Trump lors d’un meeting à Melbourne (Floride), le 18 février. | JOE RAEDLE / AFP

Donald Trump n’a que peu de goût pour les références historiques. Lors d’un étonnant meeting de campagne pour un président à peine installé à la Maison Blanche, le 18 février, en Floride, il a pourtant convoqué trois anciens présidents, dont Thomas Jefferson, pour le soutenir dans sa détestation de la presse.

Trier dans les citations de personnages historiques pour y trouver son compte est de bonne guerre. Mais le troisième président des Etats-Unis s’est surtout rendu célèbre, en la matière, pour avoir déclaré que, s’il fallait choisir entre « un gouvernement sans journaux et des journaux sans gouvernement », il opterait « sans hésitation » pour la seconde formule. Son lointain successeur, lui, a tranché pour l’instant en faveur de la première.

Un attentat inventé

Depuis son entrée en politique, il y a moins de deux ans, M. Trump nous a habitués à une relation torturée avec les faits qui va bien au-delà de la pratique de la communication politique. La parole du candidat a souvent croisé dans les eaux troubles de l’approximation, de la fable, voire du complotisme. Celle du président n’a pas rompu avec cette détestable habitude.

Parmi d’autres contrevérités, M. Trump a ainsi inventé, samedi 18 février, sans le dire explicitement mais tout en le laissant entendre, une attaque terroriste en Suède. S’ajoutant à ses allégations répétées sur la fraude électorale massive qui l’aurait privé d’un véritable triomphe le 8 novembre, mais qui a échappé manifestement à tout le monde, démocrates et républicains confondus, cette posture est déjà embarrassante en soi. Mais il y a pire.

Le 17 février, M. Trump a déclaré que la presse était désormais « l’ennemi du peuple américain ». Le dernier président américain à s’être exprimé avec cette violence était Richard Nixon, au pire du scandale qui devait l’emporter. Personne ne discutera le fait que la majorité des médias n’est guère favorable à M. Trump depuis qu’il est arrivé à la Maison Blanche. Mais le président ne peut s’en prendre qu’à lui-même si son administration, pour l’instant, ressemble plus à une pétaudière qu’à la « machine bien huilée » qu’il vante.

Imposer un récit unique

Tout au long de sa carrière d’homme d’affaires, M. Trump a rarement eu à rendre des comptes sur ses choix. Désormais au service de son pays, il ne se montre pas plus disposé à se soumettre au regard d’un contre-pouvoir. La faible tolérance à la critique ne relève pas de l’accès d’humeur. Délégitimer la presse, comme l’assument d’ailleurs ouvertement ses proches conseillers, vise à imposer un unique récit du mandat en cours, servi par l’effet démultiplicateur de réseaux sociaux qui enferment son électorat dans ses certitudes.

Les « faits alternatifs » défendus par sa conseillère Kellyanne Conway, qui elle aussi avait inventé un « massacre », la réduction des médias au « parti de l’opposition » par son bras droit Stephen Bannon, s’inscrivent dans cette stratégie. Manifestement, cette dernière fait d’ailleurs école au-delà des frontières américaines.

Cette tentation est dangereuse, tout comme sont dérangeantes les leçons de journalisme du chef de cabinet du président, Reince Priebus, qui a invité les médias à s’abstenir de publier tout article reposant sur des sources non identifiées. La presse ne fait pas les élections, M. Trump a pu le constater à son profit. Sa mission est tout autre, informer du mieux possible. La nier n’est pas rendre service, justement, au peuple américain.