Le taux de chômage élevé des docteurs pendant les premières années qui suivent l’obtention du doctorat illustre également cette difficile entrée sur le marché de l’emploi. Ici, remise des diplômes à Sorbonne universités, en 2011. | Flickr cc - Camille Stromboni (cc by 2.0)

C’est le plus haut diplôme que délivre l’enseignement supérieur français et pourtant… l’entrée sur le marché du travail après un doctorat n’a toujours rien d’évident, d’après la note publiée le 14 février par le ministère de l’éducation nationale. Celle-ci dessine la situation des titulaires d’un doctorat, soit 200 000 personnes en France parmi les 25-64 ans, en s’appuyant sur des enquêtes « Emploi » menées sur la période 2010-2015.

  • Une entrée sur le marché du travail marquée par la précarité

Le tableau ne manque pas d’être peu engageant en début de carrière. « Les principales difficultés d’insertion des docteurs résident dans l’accès à un contrat stable », relève la note ministérielle. Durant les cinq années qui suivent l’obtention du diplôme de niveau bac + 8, 45 % des docteurs sont encore dans un emploi à durée déterminée.

Une précarité d’autant plus forte chez ceux qui s’orientent vers l’enseignement supérieur et la recherche, où ce taux s’élève à 55 %. Plus de la moitié des docteurs travaillent dans ce secteur, contre 6 % dans les autres fonctions publiques et 41 % qui choisissent l’entreprise.

Décrocher un poste d’enseignant-chercheur ou de chercheur relève en effet du « parcours du combattant », décrit Yoann Abel, l’un des porte-parole de la Confédération des jeunes chercheurs (CJC). « Il y a beaucoup de docteurs pour de moins en moins de postes, relève-t-il. Avec une compétition toujours plus forte qui entraîne la nécessité de publier de plus en plus d’articles de recherche en amont, juste pour avoir une chance d’être recruté. Et donc de multiplier les CDD de “post-doc” », décrit le docteur de biologie, qui pointe également la multiplication des contrats courts du fait d’un financement de la recherche qui s’effectue de plus en plus par projets.

  • 14 % de docteurs au chômage dans les cinq années suivant le diplôme

Le taux de chômage élevé des docteurs pendant les premières années qui suivent l’obtention du doctorat illustre également cette difficile entrée sur le marché de l’emploi. Parmi les docteurs diplômés depuis moins de cinq ans, ils sont 14 % au chômage. « A titre de comparaison, le taux de chômage est moins élevé parmi les diplômés de niveau master (13 %) et parmi les sortants d’écoles d’ingénieurs (8 %) et de commerce (9 %) », remarquent les auteurs de la note, Ceren Inan et Ronan Vourc’h.

Un chiffre qui n’étonne pas le porte-parole de Confédération des jeunes chercheurs : « Il y a toujours un vrai problème de reconnaissance du doctorat et des compétences du docteur dans le secteur privé », souligne Yoann Abel, qui déplore que la promesse du gouvernement de travailler à une reconnaissance du doctorat dans les conventions collectives soit restée « lettre morte ».

Même déception à propos de l’ouverture de l’ensemble de la fonction publique aux docteurs, et particulièrement la plus haute. « Rien n’a bougé ou presque, alors que la haute fonction publique devrait être exemplaire, et qu’elle aurait tout intérêt à compter en son sein des docteurs qui apportent une autre manière de voir les choses », insiste le jeune docteur.

  • Une situation globalement « très bonne » sur le long terme

Cette difficile entrée sur le marché du travail ne manque pas cependant d’être contrebalancée par une situation tout à fait enviable, à plus long terme. « Les docteurs, tout comme les titulaires d’un diplôme de type master professionnel ou d’écoles d’ingénieurs, détiennent le taux d’activité le plus élevé (93 % contre 79 % dans l’ensemble de la population) », soulignent les auteurs de l’étude. « C’est parmi les docteurs et les diplômés d’écoles d’ingénieurs que la part des cadres est la plus élevée (respectivement 81 % et 83 %). Ils sont suivis par les diplômés des écoles de commerce (68 %) et par les actifs titulaires d’un diplôme de type master recherche (61 %) ou professionnel (60 %). »

Quant au salaire net mensuel médian d’un docteur salarié à temps complet, il s’élève à 3 000 euros, contre 2 400 euros pour un salarié titulaire d’un diplôme de master universitaire et 1 780 euros pour l’ensemble des salariés.

  • Les diplômés d’une grande école gardent un avantage pour les emplois « très supérieurs »

La note ministérielle établit enfin une comparaison éclairante entre les docteurs, les diplômés d’un master universitaire et ceux d’une grande école, dans l’accès aux meilleurs emplois – soit d’un côté les emplois « supérieurs », c’est-à-dire de niveau cadre, à durée indéterminée, avec une rémunération horaire nette supérieure ou égale à 17 euros, et de l’autre les emplois « très supérieurs », comprenant également des fonctions d’encadrement et une rémunération horaire nette supérieure ou égale à 23 euros.

Dans ces deux catégories, si les docteurs se trouvent dans une situation plus favorable que les diplômés d’un master, ils sont en revanche derrière leurs homologues diplômés d’un bac + 5 de grande école.

« Les docteurs se positionnent en moyenne entre les diplômés de niveau bac + 5 des universités et ceux des écoles », pointe l’étude. 47 % occupent un emploi « supérieur », alors que c’est le cas de 50 % des diplômés d’école de commerce, 54 % des ingénieurs et environ 30 % des diplômés d’un master universitaire. L’ordre d’arrivée est le même pour les emplois « très supérieurs » : sont concernés 11 % des docteurs, contre 17 % des diplômés des écoles d’ingénieurs, 19 % des diplômés d’écoles de commerce et 7 % des diplômés de master.

Des résultats que les auteurs de la note tiennent néanmoins à nuancer : « A caractéristiques disciplinaires et d’employeur égales », le doctorat reste « compétitif par rapport aux formations d’ingénieurs ou commerciales », soulignent-ils. Et il est un terrain où il demeure un sésame imbattable par rapport aux autres diplômes, estime pour sa part le docteur Yoann Abel : à l’international. « La reconnaissance du doctorat à l’étranger est très forte, sans comparaison possible avec des diplômes d’ingénieur français ou même de l’ENA », glisse-t-il, en citant ces références de l’excellence… en France.