Et voilà que l’on reparle du prélèvement à la source. Du moins, le Medef souhaiterait que le sujet fût un peu plus présent dans la campagne présidentielle. Cette dernière réforme majeure du quinquennat, qui rendra le paiement de l’impôt sur le revenu concomitant à la perception du revenu mensuel – le prélèvement est effectué par l’employeur ou l’organisme payeur des pensions de retraite ou des allocations de chômage – doit entrer en vigueur le 1er janvier 2018. En clair, le montant de l’impôt sera déduit directement de la feuille de paie.

La droite l’a assuré lors des débats parlementaires : si elle revient au pouvoir, elle l’abrogera. Le gouvernement sortant, quant à lui, entend tout mettre en œuvre pour que, quel que soit le résultat des élections présidentielle et législatives, le nouveau dispositif soit opérationnel. Depuis le début de l’année, le secrétaire d’Etat chargé du budget, Christian Eckert, a entrepris un tour de France pour expliquer la réforme aux agents de l’administration fiscale, aux employeurs et aux contribuables. Et pour tenter de désamorcer les appréhensions qu’elle suscite.

L’organisation patronale continue à nourrir les plus vives craintes quant à sa faisabilité et, surtout, pour les complications que cela va entraîner pour les employeurs. « Les remontées des Medef territoriaux sont unanimes, assure le vice-président du mouvement, Geoffroy Roux de Bézieux. Cela va introduire énormément de problèmes dans la relation entre l’employeur et l’employé, créer un nombre inénarrable de contentieux et cela va peser sur les négociations d’augmentations de salaire. Nous ne voulons pas interposer l’employeur entre le citoyen et l’impôt. »

S’il est opposé au prélèvement à la source, il se dit toutefois favorable au rapprochement de la perception du revenu et du paiement de l’impôt, mais à condition que cela ne passe pas par l’employeur ou le tiers payeur. « Cela va libérer de l’épargne de précaution, donc libérer du pouvoir d’achat et de la consommation », estime M. Roux de Bézieux.

« Année blanche » pour les revenus de 2017

Le fiscaliste Michel Taly ajoute que la date du 1er janvier 2018, prévue pour basculer du système actuel au prélèvement à la source, devrait être conservée, même s’il n’y a pas changement de système, pour effectuer ce rapprochement. Le dispositif adopté dans le cadre de la loi de finances prévoit en effet une « année blanche » pour les revenus de 2017. Les impôts normalement dus sur ceux-ci vont être « effacés » par un crédit d’impôt équivalent. « L’année blanche a déjà commencé, explique M. Taly. Ce serait un peu compliqué, avec des textes revenant sur le prélèvement à la source qui, au mieux, seraient votés fin août, de reporter d’une année. Donc, on garde le 1er janvier 2018. »

Autre motif d’inquiétude pour le Medef : le dispositif de prélèvement à la source repose sur le déploiement de la déclaration sociale nominative (DSN), qui doit permettre à l’employeur de transmettre en temps réel et en une seule opération toutes les données sociales et fiscales aux administrations concernées. La généralisation de la DSN est prévue pour la fin 2018. A l’heure actuelle, sur 1,6 million d’entreprises concernées, seules 1,3 million ont franchi le pas. « Et, ajoute M. Roux de Bézieux, on nous signale de très nombreux bugs dans la mise en place. » Pour le vice-président du Medef, « il n’y aurait pas eu l’agenda politique, on n’aurait jamais pris le risque de s’appuyer sur un dispositif qui n’est pas totalement stabilisé ».

Même si le sujet n’occupe pas une place centrale dans la campagne de François Fillon – qui pour l’heure se heurte à d’autres préoccupations –, la droite a néanmoins envisagé un dispositif alternatif qui ferait de l’administration fiscale le collecteur. Ce scénario s’avère cependant extrêmement complexe à mettre en place et, en tout état de cause, ne pourrait être opérationnel dès le 1er janvier 2018. « Notre solution a le mérite d’être opérationnelle immédiatement et il n’est pas démontré qu’elle produise plus d’aberrations que leur système à eux », défend le Medef, visant le dispositif prévu par l’actuel gouvernement, qu’il accuse d’avoir négligé toutes les options et observations qui lui étaient adressées. « Une réforme de cette ampleur sans concertation des intéressés, c’est voué à l’échec », conclut M. Roux de Bézieux.