La justice sud-africaine a infligé un camouflet au gouvernement sud-africain, mercredi 22 février, en retoquant sur la forme sa décision controversée de quitter la Cour pénale internationale (CPI), dont il dénonce un parti pris anti-africain.

Saisi par l’opposition, un juge a estimé que la lettre de retrait de la CPI, envoyée en octobre dernier à l’ONU, était « inconstitutionnelle et invalide », parce qu’elle n’avait pas été précédée « d’une approbation du Parlement ». Le gouvernement et le président Jacob Zuma « doivent sur-le-champ révoquer la notice de retrait », a ordonné le juge Phineas Mojapelo, de la Haute Cour de Pretoria.

Vague de retraits

Le tribunal de La Haye est menacé depuis des mois d’une vague de retraits de plusieurs pays africains. L’Afrique du Sud a franchi le pas après la vive polémique suscitée par son refus d’arrêter sur son sol le président soudanais Omar Al-Béchir, en dépit d’ un mandat d’arrêt de la CPI, au motif qu’il bénéficiait de l’immunité diplomatique.

M. Al-Béchir est poursuivi à La Haye pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre dans la province soudanaise du Darfour, en proie depuis plus de dix ans à la guerre civile. Saisie du dossier, la Cour suprême d’appel sud-africaine avait condamné la passivité du gouvernement à l’endroit du chef de l’Etat soudanais, la qualifiant de « conduite scandaleuse ».

« Chasse raciale »

Depuis son entrée en fonction, en 2003, la CPI a ouvert dix enquêtes, dont neuf dans des pays africains. Ce qui lui a valu de nombreuses critiques sur le continent, notamment de l’Union africaine (UA), qui a dénoncé une « sorte de chasse raciale ». En octobre 2016, le ministre de la justice sud-africain, Mike Masutha, avait accusé la CPI de « préférer de toute évidence viser des dirigeants en Afrique ». La Cour s’en est défendue en soulignant que nombre de plaintes dont elle était saisie (Centrafrique, Ouganda, Mali, République démocratique du Congo) émanaient de gouvernements africains.

A l’origine de sa saisine, le principal parti d’opposition sud-africain s’est réjoui mercredi du jugement du tribunal. « Ce retrait (...) était irrationnel et inconstitutionnel », a déclaré un député de l’Alliance démocratique (DA), James Selfe.

« Nous aimerions que l’Afrique du Sud reste à la CPI car nous croyons que c’est en accord avec notre Constitution et avec l’héritage que nous a laissé Nelson Mandela […] Le gouvernement doit se remettre au travail et reconsidérer sa décision à la lumière de ce jugement. »

« Le gouvernement va se pencher sur les motivations du jugement et décider de faire appel ou non », a réagi de son côté mercredi le porte-parole du ministère de la justice, Mthunzi Mhaga.

Outre l’Afrique du Sud, le Burundi a déjà annoncé sa décision de quitter la CPI en octobre. L’ex-président de la Gambie Yahya Jammeh avait décidé de faire de même, mais son successeur, Adama Barrow, élu en décembre, a annulé la procédure. Le président du Kenya, Uhuru Kenyatta, a pour sa part fait savoir qu’il réfléchissait « sérieusement » à une sortie de l’institution de son pays.

Inversement, d’autres pays africains comme le Sénégal et le Botswana, entre autres, soutiennent ouvertement la CPI.