Certains la surnomment « la Kim Kardashian de Corée », « la folle » et, plus récemment, « Lolita ». La chanteuse et actrice Sulli, 22 ans, secoue le monde hypercontrôlé de la K-pop, très rentable industrie sud-coréenne du divertissement, et vecteur du soft power national. Dans cet univers où règnent ordre, strass et marketing, l’image est travaillée, le discours sans aspérité et la vie privée scrutée. Mais Sulli n’a pas suivi la règle.

Starlette amorale

À l’origine, c’était une starlette comme les autres. À 11 ans, elle intègre l’école du groupe SM Entertainment, l’un des géants de la K-pop créé en 1995 par Lee Soo-man, chanteur populaire des années 1970 devenu entrepreneur. Après des petits rôles dans des séries et des films, elle rejoint le groupe de filles f (x), l’un des plus gros succès internationaux du genre. En 2014, après la publication de photos par un paparazzi, SM Entertainment doit admettre publiquement qu’elle entretient une relation avec le rappeur Choiza, du groupe Dynamic Duo. Cette entrave à la morale lui vaut d’être exclue de f (x) en 2015. Mais Sulli ne fait pas dans la contrition. Elle poursuit une carrière en pointillés, ponctuée de petits rôles à la télévision ou dans des publicités. Et, surtout, elle se met en scène sur Instagram. On la découvre ainsi dans son lit avec son chat, au pied de la tour Eiffel, avec des copines ou dans la chambre d’un grand hôtel.

Sulli maîtrise sa propre image, ici sur Instagram. | Capture d'écran web/@choisulli_

Début janvier, une photo prise par le sulfureux photographe Rotta – connu pour ses images osées d’adolescentes – a enflammé l’« instagramosphère ». Apparaissant alanguie sur son lit en tenue légère, Sulli a été vilipendée. Sur une autre image, elle se présente dans un polo léger laissant deviner la pointe de ses seins. Autant de clichés qui ont choqué et suscité de vifs débats sur l’exposition du corps féminin, voire sur la place de la femme en Corée. Les stars de la K-pop, souvent encore adolescentes, ont pourtant l’habitude de se montrer dans des tenues se voulant aguicheuses.

Mais si le cas Sulli est aussi marquant, c’est que, pour une fois, il s’agit d’une starlette qui maîtrise sa propre image. « Quand la sexualité de Sulli était emballée et vendue à la télévision, personne ne disait rien », écrivait ainsi la journaliste Kang Haeryun dans une enquête publiée sur le site Korea Exposé le 20 janvier. Interviewé par la journaliste, le critique culturel Sohn Hee-jung déplore que « la sexualité des filles ne pose pas de problème quand elle est commercialisée ». En 2010, dans une étude gouvernementale, 60 % des starlettes adolescentes reconnaissaient avoir dévoilé leur corps sous la contrainte.

« Ce que les nombreux détracteurs de Sulli ignorent, ajoute Kang Haeryun, c’est qu’elle s’affirme en choisissant de mettre en ligne ces photos. » De fait, dans une société où la femme reste loin d’être l’égale de l’homme et où les yeonyein (personnalités publiques) doivent être des modèles, Sulli assume une liberté qui ne plaît guère. « Lolita, Lolita, ça suffit. Allez jurer ailleurs. Et regardez mon joli minois », a-t-elle répondu récemment à ses détracteurs.