Emmanuel Macron, à Paris, le 21 février. | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH-POLITICS POUR LE MONDE

Ils l’attendaient avec impatience, après des semaines de mesures égrenées et de propositions lancées. Les économistes reconnaissent pour la plupart des qualités de forme au cadrage budgétaire du programme d’Emmanuel Macron : « C’est un travail rigoureux, habile », apprécie Mathieu Plane, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), et cheville ouvrière du cadrage économique d’Arnaud Montebourg lors de la primaire à gauche, en janvier. « [M. Macron] réfléchit à une réallocation des ressources avec à la fois une hausse de l’investissement public et une réduction des dépenses. Cela donne un rôle actif à l’Etat. Il n’y a pas cette idée que la sphère publique est uniquement une contrainte pour l’économie », souligne Philippe Waechter, directeur de la recherche économique chez Natixis AM.

Les hypothèses de croissance du produit intérieur brut (PIB), de 1,4 % cette année et 1,8 % en 2022, nettement plus prudentes que celles des autres candidats qui voient tous l’économie française décoller à plus de 2 % dès l’année prochaine, et la volonté de rester dans les 3 % de déficit public, assoient l’impression d’un projet en équilibre. Pour le candidat d’En marche !, il s’agit à la fois d’être ambitieux sur la méthode – transformer en profondeur des pans entiers de l’économie tricolore, comme les collectivités territoriales ou la logique du système de l’assurance-chômage – tout en ménageant un électorat encore volatil, de gauche comme de droite.

« Il propose un plan d’investissement [de 50 milliards d’euros], référence à ce que souhaitent Benoît Hamon ou Jean-Luc Mélenchon, et suggère une baisse du nombre de fonctionnaires [120 000 postes non renouvelés] mais moins violente que chez François Fillon », explique Alexandre Delaigue, économiste à l’université Lille-I. Pour s’attaquer au problème du chômage, « le cœur de [s] on projet », l’ancien banquier assure qu’il ne touchera pas aux montants des allocations et refuse toute dégressivité, mais veut mieux conditionner les prestations aux efforts de recherche des demandeurs d’emploi. Il jure qu’il ne touchera pas aux retraites, sujet politiquement explosif s’il en est, tout en promettant une proposition de réforme structurelle pour le 2 mars, date de présentation globale de son projet.

« Il est plus centré sur l’économie qu’un François Bayrou, mais cela reste un programme centriste relativement classique en matière de construction européenne, sur les grands équilibres budgétaires ou les réformes structurelles » indique M. Delaigue, qui y voit « un projet social-libéral au sens propre du terme : du libéral [flexibilité du marché du travail, réformes structurelles, baisse de la fiscalité du capital…] mais avec une dose de protection. »

Pour M. Plane, de l’OFCE, l’ancien ministre de l’économie « capitalise sur ce qu’a fait François Hollande (CICE, pacte de reponsabilité…), quand les autres candidats sont dans la déconstruction totale de son bilan. Il ne propose d’ailleurs pas une politique d’offre pure [uniquement pro-entreprise], puisque qu’il n’y a pas de mesures extraordinaires pour la compétitivité, pas de choc fiscal pour les entreprises. » Ces dernières doivent en effet bénéficier d’une baisse d’impôts à la même hauteur que celle des ménages pour un total de 20 milliards de prélèvements obligatoires en moins. « C’est beaucoup de déjà vu ! », tacle Thomas Porcher, économiste à la Paris School of Business et coauteur d’Introduction inquiète à la Macron-économie.

Le pari est réel

En tout état de cause, la ligne de crête à tenir promet des débats sur la mise en place concrète des propositions. M. Macron prône aussi des économies de 25 milliards sur les dépenses de l’Etat. « Cela parait beaucoup en supprimant seulement120 000 postes. Veut-il toucher à la fonction publique ou alors il faudra baisser le budget de certains ministères », note M. Plane. De même, le candidat « n’explique pas comment il compte économiser 15 milliards sur l’assurance-maladie tout en faisant progresser les dépenses de 2,3 %. Et sur les dotations des collectivités territoriales, il dit tout et son contraire », regrette M. Porcher.

« Les contours du développement de la formation professionnelle sont encore flous. Il n’est pas précisé si le surcroît de crédits budgétaires sera doublé d’une réforme de son mode de gouvernance et de financement », pointe Emmanuel Jessua, chez Coe-Rexecode, institut de conjoncture proche du patronat.

A huit semaines du premier tour du scrutin, difficile de savoir comment ces éléments joueront sur la dynamique du candidat. Une chose est sûre : le pari est réel. « Ce qui est difficile dans des réformes structurelles, c’est d’inciter chacun à bouger alors que ces réformes vont modifier la dynamique des revenus. Ce passage-là ne sera pas facile. Si le charme ne joue plus de la même façon, quelles seront les incitations à bouger dans le sens voulu ? », conclut M. Waechter.

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