Une assemblée générale du groupe de BTP Vinci, en avril 2016. | DOMINIQUE FAGET / AFP

Son souvenir est encore vif mais il n’y a pas vraiment participé. Le 22 novembre 2016, Xavier Huillard, le PDG de Vinci, donne un discours lors d’un événement de la fondation de l’Ecole polytechnique. « Dans le public, je voyais bien Pierre Duprat, le directeur de la communication, s’agiter dans tous les sens, raconte-t-il, mais quand j’ai quitté la scène, tout était fini… »

Au même moment, entre 16 h 05 et 17 h 01, le cours de Bourse de Vinci, l’un des leaders mondiaux de la construction et des concessions, a joué au yoyo, perdant plus de 18 % à la suite de la publication d’un faux communiqué évoquant d’importantes erreurs comptables et la démission du directeur financier, le tout relayé par les agences Bloomberg et Dow Jones. A 16 h 44, un autre communiqué, toujours faux, est envoyé pour démentir le premier.

A 17 h 01, le cours revient presque à la normale (en recul de 4 % par rapport à l’ouverture de la séance) après les coups de fil de Vinci aux agences pour démentir les faits, puis à la publication d’un communiqué, cette fois authentique, de la société. « Quand j’ai vu cette information sur les agences, j’ai déboulé dans le bureau du directeur financier pour tenter de comprendre, indique le chef de presse de Vinci. On s’est attelé à rédiger de suite un communiqué de démenti. » Le mal était fait. L’Autorité des marchés financiers (AMF) était saisie et une plainte contre X déposée.

Revoir le seuil du « coupe-circuit »

Jeudi 23 février, le gendarme de la Bourse a publié un premier point d’étape sur l’avancement de l’enquête. Manifestement, il n’a pas encore établi les responsabilités dans cette rocambolesque affaire. En revanche, le régulateur demande à l’ensemble des parties prenantes, qu’il s’agisse des entreprises, des journalistes et d’Euronext, qui gère la Bourse de Paris, de renforcer certaines « bonnes pratiques » pour éviter la diffusion de fausses informations financières ou du moins limiter leurs conséquences sur le marché boursier.

Aux sociétés cotées, l’AMF suggère notamment de communiquer autant que possible en dehors des périodes de cotation et de passer par un diffuseur professionnel pour leur communication financière. Une pratique largement répandue qui rendait justement suspicieuse la publication du faux communiqué attribué à Vinci le 22 novembre.

A Euronext, le régulateur demande de revoir pour les valeurs du CAC 40 le seuil de son « coupe-circuit » – procédure qui bloque automatiquement les négociations à la hausse ou à la baisse sur un titre, seuil actuellement fixé à 10 % –, de façon à suspendre plus rapidement la cotation en cas de variations de cours importantes. Lors de cette suspension, l’AMF propose de prévoir une durée « suffisante pour permettre d’examiner la situation ».

Enfin, aux journalistes et aux agences de presse, l’AMF rappelle de « vérifier l’information » qu’ils publient auprès des diffuseurs agréés. Les agenciers de Bloomberg avaient bien téléphoné au contact indiqué sur le faux communiqué, mais il était également… faux. Pour remédier à ce problème, l’AMF devrait publier une liste des noms des diffuseurs de chaque société cotée sur Euronext.