Leila de Lima est la principale voix à s’élever aux Philippines contre la sanglante politique anti-drogues du président Duterte, élu en mai 2016 en promettant d’éradiquer les trafics. | NOEL CELIS / AFP

Aux Philippines, Leila de Lima, la principale opposante au président Rodrigo Duterte, a été arrêtée vendredi 24 février dans le cadre d’une enquête qui vise selon ses partisans à la faire taire. La sénatrice s’est rendue à des policiers armés après s’être réfugiée au Sénat jeudi soir pour échapper à la police, qui avait tenté de l’arrêter à son domicile.

Des poursuites avaient été lancées contre elle la semaine dernière, au motif qu’elle aurait monté un réseau de trafic de drogue lorsqu’elle était ministre de la justice, sous la précédente administration de Benigno Aquino.

Une politique antidrogue sanglante

Leila de Lima est la principale voix à s’élever aux Philippines contre la sanglante politique anti-drogues du président Duterte, élu en mai 2016 en promettant d’éradiquer les trafics. Le dirigeant, qui est également connu pour ses déclarations controversées, a alors multiplié les propos encourageant la police à abattre les suspects.

Depuis son entrée en fonctions fin juin, la police a annoncé avoir tué 2 555 suspects, tandis qu’environ 4 000 autres personnes ont été abattues dans des circonstances non élucidées. De nombreuses ONG, ainsi que l’Organisation des nations unies, ont condamné cette politique. Leila de Lima a qualifié cette semaine Rodrigo Duterte de « tueur en série psychopathe » et appelé les Philippins à s’opposer à sa campagne contre les stupéfiants.

« Un honneur d’être emprisonnée »

Mme Lima a immédiatement nié les accusations qui étaient portées contre elle et dénoncé une arrestation politique. « C’est un honneur d’être emprisonnée pour les choses pour lesquelles je me bats. S’il vous plaît, priez pour moi », a déclaré l’ancienne ministre de la justice après une veillée au Sénat.

« Comme je l’ai dit depuis le début, je suis innocente. Il n’y a aucune vérité dans les accusations selon lesquelles j’aurais bénéficié du trafic de drogue, que j’aurais reçu de l’argent et que j’aurais protégé des trafiquants emprisonnés », a ajouté celle qui fut aussi présidente de la commission philippine pour les droits de l’homme.

Pour l’ONG Amnesty International, l’arrestation de la sénatrice « est une tentative claire du gouvernement philippin de faire taire les critiques envers le président Duterte et de détourner l’attention des graves violations des droits de l’homme ».

La présidence philippine a au contraire argué que cette arrestation montrait que même les puissants peuvent être traduits en justice. « La guerre contre les drogues illégales prend pour cible tous ceux qui sont impliqués et l’arrestation d’une sénatrice en fonctions montre la ferme résolution du président de combattre les dealers (…) et leurs protecteurs », a déclaré le porte-parole de la présidence, Ernesto Abella.

Un vieux contentieux

Cette arrestation est le point d’orgue d’un vieux contentieux entre M. Duterte et Mme Lima. A la tête de la commission des droits de l’homme, elle avait en 2009 ouvert une enquête sur les agissements de M. Duterte à Davao, la grande métropole du Sud, dont il a longtemps été le maire.

Il est soupçonné d’y avoir orchestré ou toléré des escadrons de la mort qui ont visé des criminels présumés et des enfants des rues, tuant plus de 1 000 personnes. Le président a commencé en août à évoquer publiquement des accusations de trafic de drogue contre la sénatrice.

« Je la détruirai publiquement », avait-il averti en lançant une campagne pour salir sa réputation, en se répandant notamment en horreurs sur sa vie sexuelle. « De Lima ne baise pas seulement avec son chauffeur, elle baise aussi la nation », avait-il lancé.