La galerie parisienne Binôme a trouvé un thème paradoxal pour son exposition collective, qui réunit artistes maison et invités : le pli. Parce que, par définition, une photographie n’a que deux dimensions et si elle plie, c’est qu’elle est abîmée. Mais la thématique permet de regrouper des artistes qui, justement, interrogent la matérialité de la photographie et remettent en cause sa capacité à refléter fidèlement la réalité. Et le tout donne des travaux non seulement intelligents mais fascinants à regarder.

Mustapha Azeroual a photographié des zones montagneuses, et imprimé ces images sur un papier japonais qui, une fois mouillé, devient souple : on dirait un foulard, dont les plis jouent avec les plis du sujet d’origine. La jeune Marie Clerel enduit des toiles d’un produit sensible à la lumière, et les expose ainsi mouillées dans des endroits où on l’invite. Selon la lumière du lieu, le bleu du cyanotype est plus ou moins éclatant, et des plis se dessinent. Dans la toile finale – pourtant totalement plane –, on retrouve ces faux plis qu’a tracés la lumière, comme un rappel de la nature de la photographie, qui fait surgir des fantômes, et fait croire à ce qui n’est plus.

« #109 after Fischli and Weiss », de Michel Le Belhomme (2016), série « Les deux labyrinthes » (2014-2017). | © MICHEL LE BELHOMME, COURTESY GALERIE BINÔnME

« L’Œil plié », galerie Binôme, 19, rue Charlemagne, Paris 4e. Jusqu’au 25 mars, du mardi au samedi, de 13 heures à 19 heures.