JOSE JORDAN / AFP

Je m’inquiète pour le FC Valence. ­Qua­torzième de la Liga, avec seulement 26 points, ça commence à sentir le roussi pour lui, malgré sa victoire surprise contre le Real Madrid (2-1), le 22 février. Il ne va tout de même pas descendre ?

Je n’ai pourtant aucun sentiment pour ce club. Au contraire, à mon humble avis, il ne devrait plus exister depuis qu’il a fait éponger les dettes d’une gestion mégalo-calamiteuse par l’argent public de la région. Mais voilà, il y a ce bon collègue espagnol, cet homme charmant, et je sais ce qu’une relégation du ­FC Valence représenterait pour lui et ses trois garçons. Alors, que voulez-vous, je m’inquiète.

Ce n’est pas le seul club dont je scrute chaque week-end les résultats. Comment rester insensible à l’attachement viscéral de mon grand frère pour le FC Cologne, club cahoteux du genre « OM à l’allemande », qui ne mérite même pas la ferveur émouvante qu’il suscite ? Je suis heureux qu’il fasse désormais preuve, à la surprise de tous, d’une grande stabilité. Et, en apprenant ce lundi matin qu’il reste septième après son match nul contre Schalke 04 (match dont je me contrefous), je savoure encore plus mon café du petit déjeuner dans mon mug préféré, celui en rouge et blanc qui arbore un bouc ridicule, sa mascotte.

Revanche jubilatoire

Heureusement qu’il y a le smartphone. Cela permet de prendre rapidement connaissance de l’évolution de Nottingham Forest, club qui m’énervait passablement à la fin des années 1970 quand il a remporté ses deux Coupes d’Europe. Aujourd’hui, il végète en deuxième division, entre les mains d’un propriétaire koweïtien douteux, et c’est bien fait pour lui. Sauf qu’il y a cet ami fidèle perdu dans un trou des Midlands et abonné aux gradins du City Ground. Sans parler de ce « technocrate bruxellois » sensible et cultivé qui a orné son blog européen d’un logo que seuls les initiés identifient comme une intégration subtile de l’Atomium à l’emblème de ses Reds ­de Nottingham. Résultat, à chaque saison, je me prends à espérer, contre toute raison, que peut-être, cette année, qui sait…

Connaissez-vous le Gençlerbirligi Spor Kulübü ? Moi non plus. Palmarès quasi inexistant, cinq entraîneurs différents entre 2015 et 2016, enterré dans le désert footballistique d’Ankara. Zéro intérêt, je vous dis. S’il n’y avait pas mes délicieux amis de Turquie, qui souffrent de la dérive de leur démocratie soumise aux coups de boutoir d’Erdogan et qui profitent de l’ambiance du stade du 19-Mai où l’on peut hurler des choses qu’il vaut mieux taire dans le reste de la capitale. L’un d’eux, un intellectuel humaniste, éditorialiste de renom, m’a envoyé une photo de lui sous la pluie, le 11 avril 2001, quand ses Rouge et Noir ont gagné la Coupe. Le plus beau jour de sa vie ! Comment ne pas suivre leurs résultats (je vous rassure : ils ont encore six points d’avance sur le premier relégable) ?

Je suis pris en otage par tous ces gens et ce lien social transnational et chaleureux qu’ils m’imposent. Je n’avais rien demandé, et voilà qu’ils me volent une bonne demi-heure de ma vie chaque week-end ! Mais je tiens ma revanche : rien que de penser aux profondeurs du Web dans lesquelles ils doivent plonger à cause de moi pour vérifier le résultat du VfB Stuttgart en deuxième division allemande, cela me fait doucement jubiler.