Il y a cinq ans, le financier Nadav Bensoussan promettait dans les médias français de mettre le « paradis fiscal » à la portée de tous ou presque. Il est jugé, à partir de lundi 27 février, pour avoir orchestré un vaste système de fraude et de blanchiment : France Offshore.

Fraude fiscale, participation à une association de malfaiteurs, escroquerie en bande organisée… C’est sur ce prévenu âgé de 38 ans aujourd’hui que pèsent les charges les plus lourdes.

Jusqu’au 30 mars, à raison de trois audiences par semaine, deux avocats, un banquier, des commerciaux et quelques clients. Soit, en tout, quatorze personnes et deux sociétés vont comparaître devant le tribunal correctionnel de Paris.

La justice accuse Nadav Bensoussan d’avoir entretenu, en plus des « simples fraudeurs », une « clientèle sulfureuse et confidentielle de délinquants financiers » impliquée dans des arnaques à la TVA, aux quotas de CO2, ou sur le marché des devises. Lors des auditions, le financier a assuré qu’il n’avait pas connaissance des agissements illégaux de certains clients.

Qu'est-ce qu'un paradis fiscal ?
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« Liberté fiscale »

Dès 2008, le fisc a commencé à s’intéresser à M. Bensoussan. Loin d’être désarçonné, celui-ci a créé de nouvelles sociétés et mit un pied en Lettonie, entrée en 2004 dans l’Union européenne et, à l’époque, peu regardante en matière de résidence fiscale.

En 2010, les « talents » du financier sont médiatisés. Un article de presse décrit un « financier qui promet le paradis… fiscal ». La même année, il explique à l’Agence France-Presse qu’il n’y a « rien de plus simple » que réduire sa fiscalité : « Quelqu’un qui vend des chaussettes sur Internet peut en un clic changer l’adresse de la société et la mettre dans un pays où l’imposition est beaucoup plus légère. »

Dans un reportage télévisé de 2011, date à laquelle démarre la procédure judiciaire, on suit même le jeune homme à Riga, la capitale estonienne. A l’aéroport, un panneau publicitaire vante en français les services de « liberté fiscale » de France Offshore. Nadav Bensoussan est accueilli avec des fleurs et des baisers, il montre ses locaux et des dossiers de clients sur lesquels ne figure aucun nom. « On a dû les oublier », dit-il en plaisantant, avant d’assurer que tout est parfaitement « légal ».

Un brin tapageur

Il cible des petits patrons qui veulent « payer des impôts, mais peu, et ailleurs » qu’en France, sans disposer de fortunes. Parmi ses clients : un ostéopathe-diététicien, une entreprise d’import-export avec la Chine, un coiffeur, de petites sociétés informatiques.

Nadav Bensoussan roule en berline à sièges en cuir, mais transporte les dossiers dans des sacs plastiques, et ses pubs sur Internet ne sont pas exemptes de fautes de frappe. Un brin tapageur, un rien artisanal, le système tranche avec l’univers taiseux et sophistiqué du conseil fiscal aux grandes entreprises et aux millionnaires.

Face au manque de coopération de certains pays, et à la disparition de documents stockés sur des serveurs canadiens, les enquêteurs n’ont pu évaluer précisément les montants en jeu. Les juges d’instruction évoquent une somme d’argent blanchi de quelque 760 millions d’euros.