Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, et le premier ministre italien, Paolo Gentiloni, à Malte le 3 février. | FILIPPO MONTEFORTE / AFP

L’exigence de Bruxelles a été réaffirmée par la Commission européenne, mercredi 22 février : l’Italie a deux mois pour trouver 3,4 milliards d’euros. C’est au prix de cette correction en apparence minime qu’elle échappera à l’ouverture d’une procédure pour déficit excessif, fin avril.

D’ordinaire, l’opération serait relativement aisée. Mais elle devient acrobatique dans le contexte de décomposition politique générale engendré par l’échec du référendum constitutionnel du 4 décembre 2016, puis par le départ de Matteo Renzi. Elle aura valeur de test pour la nouvelle équipe gouvernementale, mise sur pied par la majorité parlementaire au lendemain de la défaite.

Sans certitudes sur le calendrier électoral et confronté à l’éclatement de la principale composante de la majorité, le Parti démocrate (PD, centre gauche), le nouveau président du conseil, Paolo Gentiloni, se trouve en effet contraint à un attentisme qui n’a rien pour rassurer ses homologues européens. D’autant que le pays, englué dans la stagnation économique depuis près de vingt ans, reste aux prises avec un endettement catastrophique (plus de 130 % du produit intérieur brut), malgré un déficit budgétaire relativement faible (2,4 %).

La gauche fracturée

« L’Italie fera les corrections demandées », a réaffirmé, mercredi, le chef du gouvernement à ses partenaires, « mais sans mesures ayant un effet récessif ». Autrement dit : sans augmenter les impôts.

Pour l’heure sont donc évoquées, sans plus de précisions, des baisses de dépenses dans les ministères, une hausse de la taxation des jeux et un renforcement de la lutte contre l’évasion fiscale. Rien qui soit de nature à provoquer la colère des diverses composantes de la majorité parlementaire dont dispose le gouvernement Gentiloni, opposé à de nouvelles privatisations.

L’annonce de la création, vendredi 24 février, d’un nouveau mouvement baptisé « Démocrates et progressistes » (DP) par des dissidents du PD, menés par Roberto Speranza et Enrico Rossi, a fragilisé encore un peu plus l’édifice.

Ce nouveau parti positionné à la gauche du PD, qui devrait rassembler, selon les derniers décomptes, une quarantaine de députés et une quinzaine de sénateurs, proteste de sa fidélité à Paolo Gentiloni. Mieux, il fera tout pour que la législature aille à son terme, en février 2018, alors que les tenants de la ligne majoritaire, menée par Matteo Renzi, prônent des élections anticipées.

Mais ce nouvel épisode dans la guerre civile secouant depuis des mois la gauche italienne, et dont les lignes de fractures traversent le gouvernement lui-même, réduit encore la marge de manœuvre du président du conseil. Il est contraint de ne brusquer personne et est pris au piège d’une précampagne d’une rare violence, qui pousse chaque composante de la majorité à la surenchère. Matteo Renzi a ainsi annoncé que le PD ferait campagne, lors des prochaines élections générales, sur le thème de la baisse des impôts et de l’exigence d’une révision des politiques européennes dans le sens d’une priorité donnée à la croissance.

Le ministre des finances au centre des attentions

La perspective de l’adoption, dans les prochaines semaines, d’une nouvelle loi électorale dans laquelle dominerait la proportionnelle suscite aussi des inquiétudes : dans un paysage politique coupé en trois parts égales, où la seule force réellement homogène est l’inclassable Mouvement 5 étoiles de Beppe Grillo, crédité de 30 % d’intentions de vote, elle rendrait presque impossible la constitution d’une majorité stable, condamnant le pays à l’immobilisme.

Dans ce contexte, un homme est au centre de toutes les attentions : le ministre des finances, Pier Carlo Padoan. Très apprécié à Bruxelles, il est perçu comme un gage de sérieux par les partenaires européens de l’Italie. Partisan d’une poursuite des privatisations et des baisses de dépenses, il a multiplié, ces derniers jours, les signes d’agacement, sans pour autant évoquer explicitement une démission, qui aurait un effet dévastateur sur l’image du pays auprès des marchés financiers.

Ces menaces voilées ont conduit Paolo Gentiloni à réaffirmer que le gouvernement était « au travail » et poursuivait « sur la route des réformes », au terme du conseil des ministres de jeudi. Dimanche soir, lors d’un entretien sur la chaîne publique Rai 3, Matteo Renzi a lui aussi joué l’apaisement, affirmant qu’il est « juste que Padoan ait toutes les garanties » de la part de la majorité. L’Italie doit faire connaître ses intentions à Bruxelles d’ici au 30 avril. Le même jour, les militants du PD voteront pour leurs primaires internes.