Jeremy Lin (au centre) est le premier Américain d’origine asiatique à s’être imposé en NBA. Ici, lors d’un match des Brooklyn Nets contre les Golden State Warriors, samedi 25 février, à Oakland (Californie). | Kyle Terada / USA Today Sports

Il n’y a aucune raison que l’arrière Jeremy Lin, des Brooklyn Nets, ait énormément d’admirateurs à Honolulu, où il n’a jamais joué au basket. Sinon que Jeremy Lin est l’un des rares joueurs d’origine asiatique de la NBA, et qu’Hawaii est l’Etat américain où la concentration d’habitants d’origine asiatique est la plus forte.

Or, selon l’étude de Seth Stephens-Davidowitz, économiste et spécialiste du « big data », les amateurs de NBA sont attachés, sans doute plus qu’ils ne le pensent, à la couleur de peau de leurs joueurs préférés.

Dans un article publié dans le New York Times, le chercheur raconte avoir analysé les « j’aime » des 215 joueurs NBA dotés d’une page officielle sur Facebook. Il a découvert que la proportion de soutiens d’un groupe ethnique donné variait de 10 points en moyenne selon la couleur de peau du joueur : 57,7 % de supporteurs blancs et 22,7 % de supporteurs noirs pour un joueur blanc ; 46,7 % de supporteurs blancs et 32 % de supporteurs noirs pour un joueur noir.

Tendance caricaturale

Concernant la méthodologie, le chercheur explique que si Facebook ne demande pas à ses utilisateurs de préciser leur couleur de peau, il utilise une variété d’informations pour identifier leur « affinité ethnique », notamment pour mieux cibler les publicités. « Ma recherche suggère que cette mesure d’affinité ethnique est corrélée fortement avec la race », écrit-il.

Dans le cas de minorités ethniques moins présentes en NBA, le chercheur note que la tendance devient caricaturale : le meneur portoricain de Dallas José Juan Barea a 62 % de soutiens d’origine hispanique – contre 18 % pour le reste de la NBA – et Jeremy Lin, de parents taïwanais, a 23 % d’admirateurs d’origine asiatique, contre 3 % pour l’ensemble des joueurs.

Seth Stephens-Davidowitz s’est interrogé sur les différents biais possibles de cette statistique. Mais à l’intérieur d’une même équipe ou entre joueurs évoluant au même poste, il a trouvé la même tendance, affirme-t-il.

Pour aller plus loin, le chercheur a appliqué un modèle statistique prenant en compte des données telles que les statistiques, l’âge, l’équipe ou le nombre de sélections All-Star. L’objectif : déterminer si l’origine ethnique pouvait influencer la popularité d’un joueur.

« Le joueur noir aura plus de supporteurs »

La réponse, selon lui, est positive : « Si un joueur blanc et un joueur noir sont similaires sur le papier, le joueur noir aura plus de supporteurs (…) Honnêtement, j’ai été soufflé par l’ampleur de cet avantage. Globalement, j’estime qu’un joueur blanc devrait marquer 10 points de plus par match pour avoir autant de “j’aime” que s’il était noir. »

Dans l’analyse de son étude statistique, Seth Stephens-Davidowitz estime que la situation inverse serait une mauvaise nouvelle compte tenu des discriminations subies par les Afro-Américains aux Etats-Unis. Il ajoute : « Je trouve formidable que les membres d’une minorité subissant des discriminations par bien des aspects soient solidaires entre eux. Et je trouve également encourageant que beaucoup d’amateurs blancs de basket-ball apportent un soutien supplémentaire aux meilleurs athlètes issus d’une minorité ethnique. »

La question ethnique est fortement présente dans l’univers de la NBA, où trois joueurs sur quatre sont afro-américains. La pression des joueurs noirs sur la question des violences policières, notamment, a ainsi poussé la ligue à prendre position comme jamais auparavant.