Une lettre ouverte contre la grève ! Franck Terner, nouveau directeur général d’Air France, a adressé un courrier à tous les salariés de la compagnie aérienne. Une missive pour s’expliquer sur la très forte augmentation des rémunérations des quatorze membres du comité exécutif de la compagnie. Une augmentation qui passe mal. Très mal auprès des salariés ! Le 24 février, la CGT Air France a révélé que quatorze « hauts dirigeants » de la compagnie aérienne allaient empocher une augmentation de 67 % de leur rémunération. Selon le syndicat, qui a sorti sa calculatrice, ces quatorze chanceux vont se partager un pactole de 5 millions d’euros, soit 357 143 euros chacun.

En réaction à cette « hausse pharaonique », comme la qualifie Miguel Fortea, secrétaire général de la CGT Air France, le syndicat appelle tous les salariés de la compagnie à faire grève le 7 mars. Cette date n’est pas choisie au hasard. Elle marque l’ouverture des négociations annuelles obligatoires (NAO) sur les salaires entre la direction et les organisations représentatives. La CGT ne manque pas d’humour. Son appel à la grève intitulé « Strike Together » (grève ensemble) moque le nouveau plan de relance de la compagnie baptisé Trust Together (la confiance ensemble).

Face à ce brusque accès de colère, la direction avait d’abord plaidé l’erreur technique. A l’en croire, la rémunération des membres du comité exécutif d’Air France n’aurait augmenté « que » de 17,6 % en 2016, et non de 67 %. La faute à une « mauvaise imputation comptable ». Plutôt qu’une enveloppe de 5 millions d’euros, « le chiffre exact pour l’année 2016 est de 4 millions d’euros à comparer aux 3,4 millions d’euros en 2015, soit une hausse de 17,6 % », plaide Air France. « Même en se trompant cela reste une augmentation à deux chiffres », s’indigne M. Fortea.

Efforts de compétitivité

Pour tenter d’éviter un nouveau conflit social, M. Terner a envoyé, mardi 28 février, une lettre ouverte à tous les salariés. « Je comprends l’émotion provoquée par la publication de ces chiffres. Dans une période où, depuis plusieurs années, malgré un début d’amélioration récent de nos résultats, des efforts importants ont été demandés à l’ensemble des salariés, vos dirigeants doivent se montrer exemplaires », admet le patron d’Air France. Il affirme que la hausse globale de l’enveloppe des quatorze dirigeants « ne signifie absolument pas que les membres du comité exécutif ont été augmentés individuellement de 17,6 % ». Mieux, il promet déjà qu’en 2017, la facture du comité exécutif sera inférieure de 10 % à celle de 2016.

Les syndicats ont découvert le pot aux roses lors du comité central d’entreprise (CCE), le 23 février, quand les « comptes sociaux de l’entreprise » ont été communiqués , explique M. Fortea. L’enveloppe consacrée aux membres du comité exécutif de la compagnie avait considérablement gonflé. Selon le rapport annuel remis aux élus du CCE, indique la CGT, « la rémunération du comité exécutif à la charge d’Air France s’élève à 5 millions d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2016 contre 3 millions d’euros pour l’exercice clos le 31 décembre 2015 ». Un bond de 2 millions d’euros qui tombait mal. Juste au moment où la direction demande de nouveaux sacrifices aux salariés.

« Les gens en ont ras le bol »

A l’occasion du lancement de Boost, la future compagnie à bas coûts de « fonctionnement » d’Air France, les pilotes devront ainsi faire 15 % d’efforts de compétitivité. Et que dire des hôtesses et stewards qui seront recrutés pour Boost. Ils seront payés 40 % moins cher que leurs collègues d’Air France. Jusqu’à maintenant « les salariés ont avalé la pilule », s’étrangle M. Fortea mais aujourd’hui « les gens en ont ras le bol ». Et d’ajouter : « Cela fait cinq ans que les salaires sont bloqués et que l’on nous demande des augmentations du temps de travail. » Sans compter, précise le secrétaire général, que « depuis deux ans 1 405 personnes sont parties en plan de départ volontaire ainsi que 200 navigants ».

Le mouvement déclenché par la CGT pourrait faire tache d’huile au sein d’Air France. Le syndicat serait déjà rejoint par SUD Aérien et FO. En attendant le renfort des pilotes ? Alter, un syndicat minoritaire chez les navigants a appelé à une grève de 24 heures le 7 mars. Quelle sera l’attitude du Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL). Pour l’instant, « nous ne nous sommes pas concertés », tempère son président Philippe Evain. Mais il partage l’indignation des personnels. Il ne comprend pas comment des dirigeants de la compagnie peuvent « choisir de prendre de l’argent en demandant toujours plus d’efforts aux salariés ». Selon M. Evain, pour ses mauvaises « décisions stratégiques », la direction d’Air France « mérite 0 % d’augmentation ».

Sous couvert d’anonymat un cadre préfère relativiser : « Pour les deux tiers des membres du comité exécutif, leur rémunération est inférieure ou égale à celle d’un commandant de bord de Boeing 777 d’Air France. »