L’école Notre-Dame de la Sagesse, à Nantes, en 2012. | FRANK PERRY / AFP

L’enseignement catholique a pour lui un attrait qui ne se dément pas auprès des familles. Une demande d’une « autre école » qu’une frange de la société porte de manière de plus en plus assumée, au fil des enquêtes – nationales et internationales – qui épinglent le système scolaire français. Sans parler de résultats salués au baccalauréat, même si nul n’ignore qu’ils reposent dans le privé, en partie, sur la sélection des élèves. Mais l’enseignement catholique aura-t-il, aussi, l’oreille des candidats à l’élection présidentielle ?

A deux mois du scrutin, il profite en tout cas des projecteurs politico-médiatiques braqués sur ses 7 500 établissements pour avancer sa « contribution » pour l’école. L’emploi du singulier compte : le texte, rendu public mardi 28 février, « parle de l’école en général, et pas seulement de l’école catholique », fait valoir son porte-parole, Pascal Balmand, qui défend « un ensemble de convictions éducatives » plutôt qu’un « inventaire de mesures ».

La forme se voudrait consensuelle : on retrouve, au fil des pages, une succession de notions inscrites dans l’air du temps : il y est question d’« audace » et d’« exigence », de « subsidiarité » et d’« expérimentations », de « flexibilité concertée », de « souplesse » et de « décentralisation ». L’école, telle que le Secrétariat général de l’enseignement catholique (SGEC) aimerait la voir redessinée, élèverait l’autonomie, la liberté pédagogique et la diversité scolaire au rang de vertus cardinales, dans un cadre défendu comme « commun ».

Donner des gages à tous

Les sujets clivants ne sont pas éludés – réécriture des programmes, redéfinition des conditions d’exercice des enseignants… Pour les faire passer, le privé veut donner des gages à tous (ou presque) les acteurs de l’école : aux parents, aux élèves pour qui il défend un « chemin de développement » adapté à chacun. Aux enseignants dont la fonction, la rémunération, les missions seraient « revalorisées ». Aux chefs d’établissement dont « la pleine responsabilité » serait reconnue. Aux défenseurs des humanités dont les disciplines prendraient « toute leur place »… Et même à la ministre de l’éducation dont il reprend la petite formule en forme de slogan d’un « collège unique mais pas uniforme ». Soit.

Mais sur le fond, c’est bien pour une remise à plat des équilibres et fonctionnements existant que le privé plaide. A commencer par « l’usage du 80/20 », mode de répartition des moyens et des postes entre public et privé en vigueur depuis trente ans, qu’il appelle pour la première fois à « reconsidérer ». L’effet de surprise est relatif : cela fait plusieurs semaines que l’association des parents de l’enseignement catholique privé (APEL), s’est emparé du sujet, en faisant valoir, notamment, l’allongement des listes d’attente dans le privé – plus de 30 000 refus d’inscription par an, dit-on. Sur la scène politique, François Fillon avait, le premier, ouvert la brèche en l’évoquant dans son livre programme, « Faire » (Albin Michel), publié à la rentrée 2015.

Du côté du Secrétariat général de l’enseignement catholique comme dans les couloirs du ministère de l’éducation, on n’entend pas réveiller de guerre scolaire. Le premier a opté pour une formulation prudente, maniant la nuance autant que les parenthèses : « Programmer les moyens attribués à l’enseignement privé sous contrat en fonction du besoin scolaire reconnu (reconsidérer l’usage du 80/20) », plaide-t-il à la page 17 du document.

« La loi [loi Debré en 1959, loi Guermeur en 1977] a fixé un principe de parité, répond-on au cabinet de la ministre. Les élèves, qu’ils soient scolarisés dans le public ou dans le privé, sont traités de la même manière. Il n’y a pas de règle gravée dans le marbre pour répartir les moyens : c’est un usage tacite qui fait que l’on s’adapte, à chaque rentrée, à l’évolution des effectifs ».

« Une identité particulière »

Ce n’est pas l’évolution actuelle des effectifs, de l’ordre de quelques milliers cette année en faveur du privé, qui peut, selon les observateurs de la scène scolaire, justifier une remise en cause de l’équilibre avalisé dans les années 1980. Quoi d’autre, alors ? Sans doute peut-on trouver, parmi les préconisations avancées par l’enseignement catholique d’autres raisons de faire évoluer la « reconnaissance » financière et symbolique qu’il attend, même s’il ne formule pas aussi clairement.

Comme l’abaissement à 3 ans de l’âge de l’obligation scolaire, évoqué page 10. La prise en compte de la notion de « besoin scolaire reconnu », abordée un peu plus loin, qui permettrait des ouvertures d’établissement dans des zones, rurales ou périurbaines, où les possibilités d’accueil du privé sont jugées insuffisantes par les familles concernées. Ou encore, comme le SGEC l’écrit page 17, la reconnaissance d’un « statut scolaire particulier pour l’immobilier scolaire du privé (…) permettant aux établissements de ne pas être taxés comme des entreprises commerciales ».

« Au cœur de ce projet, c’est une identité particulière que l’école catholique défend aujourd’hui, analyse l’historien de l’éducation Claude Lelièvre ; une place au cœur du service public, distincte de l’offre lucrative et marchande qui peut se développer dans le hors contrat. »

Reste à savoir quel accueil lui réserveront les candidats engagés dans la course à l’Elysée. Le suspense est relatif : du côté de François Fillon ou d’Emmanuel Macron, on peut s’attendre à ce que les notions d’« autonomie » et de « flexibilité » sur lesquelles le privé insiste, résonnent favorablement. Benoît Hamon, lui, n’a pour l’heure évoqué ce secteur de l’enseignement que pour l’enjoindre à s’associer au chantier de la « mixité sociale », à peine engagé.

21,9 % des collégiens

sont scolarisés dans le privé sur un total de 3,3 millions. C’est à ce niveau que la hausse a été jugée « significative » à la rentrée  : 6  400 élèves de plus (+ 0,9 %), contre 9  900 de moins dans le public (– 0,4 %).