Les autorités intérimaires censées rétablir l’autorité de l’Etat dans le nord du Mali ont été investies à Kidal mardi 28 février 2017. Il aura fallu dix-huit mois de négociations et de multiples reports pour que l’administration malienne revienne finalement dans le fief des ex-rebelles de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA).

La délégation d’officiels n’a aperçu Kidal que par les fenêtres opaques des énormes blindés de l’ONU. La ville a été totalement bouclée par les forces de sécurité. Les Français de la force « Barkhane », les casques bleus, mais aussi les soldats de la CMA sont sur les dents. Dans cette ville située à l’extrême nord-est du Mali, la situation ne laisse pas de place à l’improvisation. Kidal n’est qu’un dédale de ruelles qui aboutissent presque toutes à une route principale. Une route sur laquelle « Barkhane » a dû intervenir il y a deux semaines pour déminer un engin explosif improvisé. Hier matin, des tirs dont l’origine est encore indéterminée ont éclaté dans la ville peu avant l’arrivée de la délégation, accentuant encore un peu plus la pression sécuritaire. « Organiser un événement comme ça, à Kidal, c’est déjà un immense succès. Qu’il ne se soit rien passé de grave, c’est juste fabuleux », lâchera, soulagé, un cadre de l’ONU peu après la cérémonie.

Au siège des nouvelles autorités intérimaires, une centaine de personnes a fait le déplacement. Sur la grande table où prennent place les officiels, le drapeau du Mali est posé à côté de celui du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA). Mais qu’importe. Par le passé, des petits détails comme celui-ci ont déjà tout fait capoter. La présence de l’ambassadrice de France, du représentant de l’Union africaine, de la médiation algérienne et de l’Union européenne est déjà une victoire en soi. Car la semaine dernière, tous étaient déjà prêts à embarquer pour Kidal pour cette cérémonie. Avant qu’elle ne soit reportée à la dernière minute après une énième dissension.

Les patrouilles mixtes

Le drapeau malien n’a pas flotté sur la ville. Cela a été un temps envisagé, mais personne n’a voulu « risquer d’aller trop loin », glisse un membre de la CMA. Des écharpes aux couleurs du pays ont été distribuées aux nouvelles autorités. Hassan Ag-Fagaga, le nouveau président de l’Assemblée régionale désigné par Bamako, endosse la sienne sous de timides applaudissements. Une petite partie de l’assistance en profite pour brandir des drapeaux de l’Azawad, du nom de ce territoire un temps revendiqué par les ex-rebelles.

Arrivée des officiels venus pour l’installation des nouvelles autorités intérimaires de la région de Kidal, au nord du Mali, le 28 février 2017. De dos, le nouveau gouverneur intérimaire, Hassan Ag-Fagaga. | Anthony Fouchard

Quelques discours s’enchaînent. Aucune des personnalités présentes à Kidal ne s’est risquée à mettre sur le tapis l’épineuse question de l’Azawad. Il n’y aura que Harouna Toureh, le porte-parole de la Plateforme, l’alliance de groupes armés opposés à la CMA, pour faire allusion à la question territoriale. Il faut continuer de travailler « dans le respect de cette République que nous avons tous unanimement reconnue », a-t-il-déclaré.

Hominy Belco Maïga, deuxième vice-président de ces autorités intérimaires, est lucide : « On sait qu’il y a des difficultés, notamment en ce qui concerne la cohésion sociale. Tant que les gens ne se parleront pas, il n’y aura pas de développement et pas de sécurité », a-t-il asséné. Outre les tensions ethniques entre communautés Imghad et Ifoghas, la question de la suprématie militaire entre également en ligne de compte. La CMA refuse toujours de laisser entrer dans Kidal les combattants de la Plateforme. Des affrontements réguliers entre les deux groupes armés ont lieu dans la région. Le ministre de la décentralisation et du territoire, Mohammed Ag-Erlaf, concède que « ce qui nous attend est encore plus difficile que ce que nous avons accompli. Car il s’agit dorénavant de remettre les services sociaux de base en place et d’organiser des élections ». Et de mettre en place une autre disposition des accords de paix d’Alger : les patrouilles mixtes. Qui doivent faire évoluer ensemble les groupes armés et les soldats de l’armée nationale. « On est loin d’avoir gagné la paix et la réconciliation », glisse l’un des quatorze vice-présidents des autorités intérimaires, au moment de réembarquer pour Bamako.