Manuel Valls, ancien premier ministre, le 29 janvier à Evry dans l’Essonne. | ERIC FEFERBERG / AFP

Retour en fanfare. Manuel Valls est sorti de son silence, mardi 28 février, près d’un mois après sa défaite à la primaire à gauche face à Benoît Hamon, le 29 janvier. L’ancien premier ministre, qui s’était fait oublier en s’offrant récemment des vacances en famille pendant quelques jours en Espagne, a signé son retour sur la scène politique française. Avec, à moins de deux mois du premier tour de l’élection présidentielle, une alerte lancée au camp républicain dans son ensemble, mais plus précisément au Parti socialiste (PS) et à M. Hamon lui-même.

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Dans la soirée, il a réuni ses soutiens parlementaires, quelque 150 députés et sénateurs socialistes, dans la salle Colbert à l’Assemblée nationale. Le président du Palais-Bourbon, Claude Bartolone, était à ses côtés, ainsi que la dirigeante du Parti radical de gauche (PRG) Sylvia Pinel, le président du groupe socialiste au Sénat, Didier Guillaume, les membres du gouvernement Jean-Vincent Placé, Laurence Rossignol et Patrick Kanner, ou la présidente de la région Occitanie Carole Delga.

Quelques heures auparavant, M. Valls avait déjeuné, au ministère des familles de Mme Rossignol, en compagnie entre autres des ministres Jean-Jacques Urvoas, Najat Vallaud-Belkacem, Jean-Marie Le Guen, Ségolène Neuville, et des élus composant sa garde rapprochée traditionnelle (Carlos Da Silva, Francis Chouat, Olivier Dussopt, Philippe Doucet, Malek Boutih…).

Le FN, « danger majeur »

« Je pèse mes mots car je sais quelle interprétation peut en être faite », a-t-il déclaré, salle Colbert, alors que de nombreux élus et dirigeants socialistes commencent à douter de la solidité de la candidature de M. Hamon et regardent avec de plus en plus d’intérêt la montée en puissance dans les sondages d’Emmanuel Macron. Pour l’ancien chef du gouvernement, « le danger majeur » de la présidentielle reste le Front National (FN). « Marine Le Pen peut gagner, elle est vraiment aux portes du pouvoir », a-t-il estimé.

Une menace qui appelle, selon lui, un réveil du camp républicain au sens large, même si, à ses yeux, François Fillon est devenu « le plus mauvais candidat face à Marine Le Pen ». La « faute morale » du représentant de la droite témoigne, selon M. Valls, d’« une trahison de la probité ». « Il faut empêcher un second tour Fillon-Le Pen », a donc exhorté l’ex-premier ministre car les électeurs de gauche « en seraient désespérés », et le pire serait alors possible.

Pour M. Valls, le risque d’une victoire du FN oblige donc chaque candidat à « un ou des dépassements après la présidentielle, même si on n’en connaît pas encore les formes ». Prudent, il a refusé de dire quel était, de M. Hamon ou M. Macron, le meilleur prétendant à gauche pour accéder au second tour. « Je comprends tous les positionnements des parlementaires, des élus, des militants. Je sais que parmi vous, certains ont choisi Emmanuel Macron et d’autres restent fidèles à Benoît Hamon, je comprends tous les choix », a-t-il souligné, ajoutant que « pour l’essentiel, ce sont les électeurs qui répondront à cette question ».

Leader du pôle réformiste

Mais M. Valls a exprimé ses doutes quant à la ligne choisie par son rival à la primaire. « Je ne vous cache pas mon inquiétude, surtout après l’accord avec Europe Ecologie-Les Verts et Benoît Hamon », a-t-il précisé, considérant que « ces choix » auraient dû être « discutés » par les militants socialistes, et que « tout ce qui est fait depuis la primaire aboutit à poser un problème stratégique » et de « crédibilité ».

Cette mise sous pression par M. Valls du candidat Hamon intervient alors que ce dernier est critiqué par l’aile droite du PS. Mardi matin, sur RTL, le secrétaire d’Etat au développement Jean-Marie Le Guen lui a ainsi reproché de s’être « isolé en tenant un discours extrêmement radical ». « Dans l’état actuel des choses, moi et des dizaines d’autres parlementaires, nous ne pouvons pas [lui] donner notre parrainage », a assuré M. Le Guen.

M. Valls, qui sera candidat aux législatives dans l’Essonne, ambitionne toujours d’être le futur leader du pôle « réformiste » à gauche, quelle que soit l’issue de la présidentielle. « Je vous invite à rester ensemble et à faire en sorte que le réformisme que j’ai porté avec vous, puisse continuer à être incarné », a-t-il déclaré mardi soir. « Valls reste majoritaire chez les parlementaires et chez les cadres fédéraux du PS. C’est encore prématuré, mais tout l’engage à réfléchir pour la suite », confie un de ses proches.

Vers une difficile reconquête du PS

L’éventuelle reconquête du PS, en cas de défaite de M. Hamon, s’annonce toutefois difficile, tant son passage à Matignon et la fin abrupte de sa campagne de la primaire, ont laissé des traces dans la famille socialiste. « Valls est plus durablement répulsif qu’il ne l’imagine dans le parti », estime un ministre pourtant peu amène avec M. Hamon.

Son activisme intervient alors que le candidat de la gauche a tenté, mardi, de renouer le lien avec la majorité socialiste, en organisant son premier « conseil parlementaire ». Il a ainsi convié une centaine de députés et sénateurs PS au « Tapis rouge », une salle de réception proche de son QG de campagne, pour évoquer avec eux ses thèmes de campagne.

Mais, en refusant d’arrondir son projet, M. Hamon procède, sans le dire explicitement, à une préclarification à gauche, en remisant le modèle de croissance capitaliste adopté depuis près de trente ans par le PS pour lui substituer un nouveau modèle proche de la décroissance inspirée de l’écologisme.

Une mutation qui ravit ses nouveaux alliés d’EELV et une large partie des frondeurs du quinquennat, mais qui sied peu au reste de sa formation politique. A ce stade, M. Hamon est loin d’être prophète en son nouveau royaume socialiste. « Hamon, c’est un peu le pape François, tous ses soutiens ou presque sont à l’extérieur du Vatican socialiste », résume, dans un sourire, un élu écologiste fraîchement converti au « hamonisme ».