Heureux comme un grand groupe en France ? Presque. Engie et LafargeHolcim ont publié, jeudi 2 mars, des résultats annuels qui confirment la santé toujours meilleure des entreprises du CAC 40. Sous réserve que le dernier membre de ce club, Carrefour, dévoile le 9 mars des chiffres conformes aux attentes, les 40 champions français auront dégagé ensemble quelque 75,5 milliards d’euros de bénéfice net en 2016. Un montant solide, en hausse de 32 % par rapport à celui de 2015.

Leurs dirigeants ne sont cependant pas totalement euphoriques : ces bons résultats peinent à se traduire dans les cours de Bourse. En un an, l’indice CAC n’a progressé que de 12 %, quand les actions ont grimpé de 20 % à Londres, 23 % en Allemagne et même 30 % à Wall Street. La faute aux incertitudes politiques en France. « Pour ne pas être exposé à un risque Le Pen, les brokers incitent à vendre leurs actions françaises, constate Pierre Nebout, chez Edmond de Rothschild AM. Si bien qu’il y a un grand écart entre la situation très satisfaisante des groupes du CAC et la Bourse qui n’en tire pas les conséquences. »

Les ténors du capitalisme français ont néanmoins de quoi se réjouir. Pour la plupart d’entre eux, ils ont réalisé d’excellentes performances en 2016. Sur les 39 groupes du CAC qui ont présenté leurs comptes, 30 ont amélioré leurs résultats d’une année sur l’autre. La palme revient à ArcelorMittal. Le numéro un mondial de l’acier a enfin dégagé un bénéfice après quatre exercices consécutifs dans le rouge. En un an, le groupe de la famille Mittal est passé d’une perte nette de 7,3 milliards d’euros à un bénéfice de 1,6 milliard, notamment grâce à la remontée des prix de l’acier.

« Contexte favorable »

LafargeHolcim s’est également bien redressé. La fusion passée, le repreneur suisse de Lafarge a dégagé un profit net de 1,7 milliard d’euros, au lieu d’une lourde perte, et doublé son bénéfice net récurrent. Et si de nouvelles dépréciations d’actifs ont maintenu Engie dans le rouge, contrairement aux espoirs, le groupe a néanmoins beaucoup réduit l’ampleur de son déficit.

Parmi les autres progrès notables figurent les excellents scores de PSA (le bénéfice a presque doublé) et surtout de Renault, qui a affiché les meilleurs résultats de son histoire : « Une croissance record et une rentabilité record », a résumé son patron Carlos Ghosn, plus puissant que jamais. Les poids lourds de la finance ont eux aussi arrondi leurs profits, à l’image de BNP Paribas et d’AXA, qui dominent une nouvelle fois le palmarès devant Total, Sanofi et LVMH.

« Les grandes entreprises françaises bénéficient d’un contexte favorable, explique Philippe Kubisa, un des associés du cabinet de conseil PwC. Elles peuvent emprunter à des taux d’intérêt historiquement bas pour financer des acquisitions, acheter de l’énergie à des prix toujours limités, et sont aidées par la faiblesse de l’euro par rapport au dollar. » Présentes partout sur la planète, elles peuvent en outre capter une croissance mondiale toujours assez forte (+ 3 % à + 4 % attendus en 2017) malgré la langueur de l’économie nationale. Autre élément positif : la fin de la baisse des prix des matières premières, qui permet à des groupes comme Michelin ou Saint-Gobain de remonter leurs tarifs.

Même la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne n’a pas eu à ce stade l’impact redouté. Eurotunnel, l’une des sociétés a priori les plus menacées, qui n’appartient pas au CAC, a au contraire signé sa « meilleure année depuis l’ouverture du tunnel », s’est félicité son PDG Jacques Gounon.

Quelques déceptions

La saison des résultats qui s’achève a malgré tout été marquée par quelques déceptions, avec la chute en piqué des profits d’Airbus (– 63 %) liée aux ratés de l’avion militaire A400M, et le recul plus modeste de ceux de L’Oréal, en partie à cause des magasins The Body Shop. Profits également en berne chez Vivendi, dont la filiale Canal+ reste à la traîne. « A vrai dire, toute la stratégie du groupe se révèle difficile à saisir », pointe un analyste. Forte déconvenue enfin chez Publicis, qui paie les difficultés de ses filiales américaines et perd de l’argent pour la première fois depuis des décennies.

Au-delà de ces déboires ponctuels, l’optimisme reste de mise. « A moins de mesures protectionnistes aux Etats-Unis qui bousculent vraiment la donne, la hausse des profits du CAC devrait se poursuivre », anticipe M. Kubisa, de PwC. En moyenne, les analystes parient sur une nouvelle progression de 14 % des bénéfices par action des grands groupes européens en 2017, puis de 9 % en 2018.