Le 1 er mars 2017, François Fillon visite finalement le salon de l'agriculture dans l'après-midi. Il continue sa visite et salue les professionnels agricoles. | LAURENCE GEAI POUR LE MONDE

Dos au mur, François Fillon a donc choisi de faire face. Depuis un mois, le candidat des Républicains est déstabilisé par le soupçon d’avoir fait bénéficier son épouse et deux de ses enfants d’emplois fictifs pendant des années. Mercredi 1er mars, il a réaffirmé solennellement sa détermination à poursuivre sa campagne coûte que coûte.

Cette décision n’est guère surprenante, tant elle confirme son attitude au cours des dernières semaines. Drapé dans l’image de candidat à l’« éthique irréprochable » affichée pendant la primaire de la droite, il n’a cessé de protester de sa bonne foi et de son innocence. Il a également souhaité que la justice tranche rapidement cette affaire. Enfin, voyant l’étau judiciaire se resserrer – trois juges d’instruction ont été saisis du dossier –, il a ajouté que l’essentiel serait, au bout du compte, le jugement des électeurs.

Droit dans ses bottes

Lors de sa déclaration du 1er mars, il a fermement campé sur ces trois lignes de défense. Il a de nouveau martelé qu’il n’avait rien fait d’illégal. Il s’est réaffirmé respectueux de l’institution judiciaire et a assuré qu’il répondrait, le 15 mars, à la convocation que viennent de lui adresser les juges. Au passage, il se démarque ainsi de l’attitude de la candidate du Front national qui n’entend répondre à aucune convocation de la police ou de la justice dans les affaires où elle est, de son côté, mise en cause. Enfin, il en a solennellement « appelé au peuple français » et au suffrage universel pour décider de son sort.

M. Fillon se veut donc droit dans ses bottes. Mais cette ténacité ne lève aucune des contradictions dans lesquelles il se débat. Bien au contraire. Il avait affirmé que seule une mise en examen pourrait le faire renoncer à sa candidature. Cet engagement est désormais oublié puisqu’il accorde la primauté à la légitimité de l’élection sur celle de la justice. Pis, il a accompagné son plaidoyer d’une charge virulente contre la « violation systématique » de l’Etat de droit, contre « l’enquête exclusivement à charge » et même contre « l’assassinat politique » dont il se dit victime. Il est difficile d’imaginer que l’institution judiciaire ne se sente pas visée par de telles attaques.

« C’est la démocratie qui est défiée »

Sa situation politique n’est pas davantage clarifiée. Elle semble même de plus en plus compromise. Depuis un mois, inaudible sur le fond et harcelé sur le terrain, il ne pouvait pas faire campagne normalement. On peut douter que la mise en scène dont il a usé mercredi y change quoi que ce soit. La démission, dans la foulée, de Bruno Le Maire de son équipe de campagne ou la suspension par les centristes de l’UDI des négociations engagées avec Les Républicains tendent plutôt à démontrer que la posture du candidat suscite davantage de trouble qu’elle ne renforce son crédit dans son propre camp.

Enfin et surtout, en dramatisant ainsi sa situation, il prend en quelque sorte l’élection présidentielle en otage. « C’est la démocratie qui est défiée », a-t-il lancé. La question est posée de savoir si ce n’est pas lui, au contraire, qui prend le risque de parasiter l’ensemble de la campagne et d’entraver, voire d’empêcher, que se développe enfin le débat sur l’avenir du pays que les Français sont en droit d’attendre. A moins de deux mois du premier tour de scrutin, une telle attitude menace de creuser de façon de plus en plus inquiétante le fossé qui sépare les citoyens des responsables politiques. Ne pas le comprendre est irresponsable.

Pour François Fillon, les quinze prochains jours seront « dramatiques et décisifs »
Durée : 03:57