La ferveur pro-Erdogan ne gagnera pas Cologne et Gaggenau. Les deux villes allemandes qui devaient accueillir chacune un meeting pour promouvoir le oui au référendum destiné à accroître les pouvoirs du président turc Recep Tayyip Erdogan ont finalement décidé de les annuler jeudi 2 mars, évoquant des problèmes de capacité d’accueil.

Pour protester contre ces annulations « inacceptable[s] », le ministre turc de la justice, Bekir Bozdag, a annoncé avoir lui-même annulé un déplacement en Allemagne où il devait notamment rencontrer son homologue. « Il n’y aura pas de rendez-vous et, d’ici, je rentre en Turquie », a-t-il fait savoir depuis Strasbourg, dans des déclarations retransmises en direct par la télévision turque.

« Il est inacceptable que les autorités allemandes ne tolèrent pas un rassemblement de la société turque, elles qui sont si promptes à s’exprimer sur les droits de l’homme, la démocratie (…), la liberté d’expression. »

L’Allemagne compte la plus forte communauté de la diaspora turque, soit 3 millions de personnes. Comme lors de l’élection présidentielle de 2014, Recep Tayyip Erdogan y courtise des voix en vue du référendum du 16 avril.

Un « événement théâtral » devenu meeting politique

La ville de Gaggenau, dans le sud-ouest de l’Allemagne, a retiré à l’Union des démocrates turcs européens (UETD) l’autorisation de tenir jeudi soir une réunion électorale dont M. Bozdag devait être le principal orateur. 

« Comme l’événement est désormais connu dans toute la région, la ville s’attend à un grand nombre de visiteurs. Or la salle de Bad Rotenfels, les places de parking et les voies d’accès ne suffisent pas à satisfaire cette demande », a expliqué la mairie dans un communiqué.

Parallèlement, la ville de Cologne, dans l’Ouest, a fait savoir qu’elle n’autoriserait pas la tenue d’un meeting de l’UETD prévu dimanche avec le ministre de l’économie turc, Nihat Zeybekci, dans la salle d’une mairie de quartier. 

« Cet événement ne peut se tenir et ne se tiendra pas », a simplement annoncé une porte-parole de la municipalité, sans préciser si l’association, puissant levier pro-Erdogan auprès de la diaspora turque en Europe, pourrait se replier sur un autre lieu.

L’UETD avait initialement réservé cette salle pour un « événement théâtral », avant d’annoncer mercredi « une réunion d’information ». Mais, pour la mairie, ce changement d’objet dans un si court délai ne permet pas de prendre des mesures de sécurité suffisantes.

Le précédent du meeting de Binali Yildirim

Le meeting du premier ministre turc, Binali Yildirim, dans un stade d’Oberhausen (ouest de l’Allemagne), le 18 février 2017 | © Wolfgang Rattay / Reuters / REUTERS

Samedi 18 février dans un stade d’Oberhausen, le premier ministre turc en personne, Binali Yildirim, avait tenu un meeting de soutien controversé aux réformes voulues par Recep Tayyip Erdogan devant des milliers de sympathisants de la diaspora.

Si elles sont adoptées, les réformes transféreront le pouvoir exécutif, essentiellement détenu par le premier ministre, au président. Les opposants soutiennent que cela accorderait trop de pouvoirs à M. Erdogan, accusé de dérive autoritaire, notamment depuis la tentative de putsch en juillet 2016.

Lors de son allocution, Binali Yildirim avait promis d’« aller chercher dans tous les trous où ils se cachent » les putschistes.

Le parquet fédéral allemand a annoncé cette semaine soupçonner quatre dignitaires musulmans d’avoir espionné pour le compte d’Ankara des partisans de Fethullah Gülen en Allemagne. Le prédicateur exilé aux Etats-Unis est désigné par la Turquie comme l’instigateur du coup d’Etat raté, ce qu’il dément.

Les tensions germano-turques se sont multipliées depuis le putsch manqué. « L’époque où certains pouvaient donner des leçons à la Turquie est révolue. La Turquie n’est pas un pays que l’on peut intimider », avait lancé Binali Yildirim à ce propos lors du meeting d’Oberhausen.