Une affiche de campagne du Sinn Fein, parti républicain nationaliste, lors des élections pour l’Assemblée d’Irlande du Nord, à Brookeborough, le 2 mars. | © Toby Melville / Reuters / REUTERS

Les Irlandais du Nord élisent, jeudi 2 mars, leur assemblée régionale. Les bureaux de vote resteront ouverts jusqu’à 22 heures. Les résultats ne sont pas attendus avant samedi, au plus tôt. Probritanniques comme républicains craignent le retour de la frontière, voire de la violence dans cette région semi-autonome de 1,9 million d’habitants.

  • A l’origine du vote : un scandale de corruption

Le Sinn Fein, parti républicain nationaliste, et le Parti démocratique unioniste (DUP), probritannique, sont contraints de gouverner ensemble en Irlande du Nord depuis les accords de paix de 1998. Mais, début janvier, la coalition a explosé. Le vice-premier ministre du gouvernement régional, Martin McGuinness (Sinn Fein), a démissionné.

Il a justifié sa décision par le refus de la première ministre, Arlene Foster (DUP), de quitter ses fonctions, dans le cadre d’une enquête sur le scandale « Cash for ash » (« de l’argent pour des cendres »). Celle-ci est accusée par le Sinn Fein d’une gestion catastrophique, voire frauduleuse, d’un programme de subventions destiné à développer les énergies renouvelables. Il aurait coûté des centaines de millions de livres aux contribuables : des hangars vides ont été chauffés au bois, des élevages de poussins créés uniquement pour toucher des primes mirobolantes.

Mécaniquement, en vertu des accords de 1998, Mme Foster a été contrainte de partir suite à la démission de M. McGuinness. L’Assemblée de Belfast a été dissoute le 26 janvier.

  • Une défiance persistante entre unionistes et républicains

Le DUP, favorable à l’union avec la Grande-Bretagne, et le Sinn Fein, partisan d’une réunification de l’Irlande, sont les deux principales formations politiques. La première, unioniste et protestante, était arrivée en tête lors du précédent scrutin, en mai 2016, avec 38 sièges. La seconde, catholique, ex-branche politique de l’Armée républicaine irlandaise (IRA), avait récolté 28 sièges. Une troisième formation, le Parti unioniste d’Ulster (UUP), probritannique, avait gagné 16 sièges.

Les deux partis principaux auront trois semaines pour s’entendre après les élections. Sinon, un nouveau vote est possible, en théorie. Si le Sinn Fein refuse toujours de coopérer avec Mme Foster, qui compte se maintenir, Londres devra administrer directement la région, comme pendant les « Troubles » (1969-1998).

Le souvenir de ces trois décennies de guerre civile, qui ont fait plus de trois mille morts, reste vivace. Symbole de ces tensions persistantes, une centaine de « murs de la paix », censés garantir la sécurité des habitants de chaque « camp » depuis 1969, divisent encore la capitale, Belfast.

  • Le Brexit ravive les craintes de retour de la violence

En juin 2016, les Irlandais du Nord ont rejeté à 56 % le Brexit, approuvé par la majorité des Britanniques. Le Sinn Fein a fait campagne pour le maintien dans l’Union européenne (UE), tandis que le DUP appelait à quitter l’Europe.

Le divorce avec l’UE suscite des craintes de retour à la guerre civile. Les tenants de l’identité irlandaise, catholique, vivent comme si l’île était unifiée, se déplaçant librement du nord au sud. Ceux qui se revendiquent de l’identité britannique, protestante, cultivent le lien avec la Grande-Bretagne.

Au lendemain du Brexit, le Sinn Fein a réclamé un référendum sur l’unification de l’Irlande, auquel Londres s’est opposé. Une victoire du parti, jeudi 2 mars, justifierait auprès du gouvernement britannique un vote sur la frontière, ouvrant la porte à une nouvelle période de déstabilisation et d’éventuels affrontements.

Si Londres rétablit les contrôles entre les deux Irlande, des groupuscules terroristes dissidents de l’IRA, toujours actifs, seraient susceptibles de cibler des postes frontières.