Pendant la conférence de presse au cours de laquelle Emmanuel Macron (En Marche !), a présenté son programme, à Paris, le 2 mars. | LAURENCE GEAI POUR "LE MONDE"

Une – et une seule – mesure dans le programme d’Emmanuel Macron, présenté jeudi 2 mars, s’adresse spécifiquement aux quartiers populaires : la création d’emplois francs. Le principe ? Toute entreprise embauchant en CDI un habitant issu de l’un des deux cents quartiers définis comme « prioritaires » par le ministère de la ville bénéficiera d’une prime de 15 000 euros, étalée sur trois ans. La prime s’élève à 5 000 euros sur deux ans pour un contrat à durée déterminée (CDD). Une mesure de « discrimination positive assumée » par l’entourage du candidat. Sauf qu’elle a déjà été expérimentée entre 2013 et 2015 ! Et qu’elle s’est soldée par un échec cuisant. Au point d’avoir été abandonnée un an plus tôt que prévu : fin 2014, seuls 250 jeunes avaient été embauchés en emploi franc alors que le gouvernement en attendait au moins 2 000 la première année.

Si la prime prévue par le candidat d’En Marche ! est plus élevée que celle précédemment proposée par le gouvernement de François Hollande, « le fait est que les entreprises n’avaient pas embrayé », rappelle le sociologue Renaud Epstein. Et d’ajouter : « Cette proposition n’est que la répétition d’une mesure qui a été déjà mise en place et expérimentée, et qui a échoué. » « Nous nous sommes vite aperçus que ce dispositif ne concernait que les jeunes qui n’avaient aucun mal à trouver un emploi par leurs propres moyens, explique François Lamy, ministre délégué à la ville entre 2012 et 2014. Sur le fond, il ne résolvait rien du vrai problème des jeunes des quartiers : le manque de formation et l’absence de réseau. » Le programme d’Emmanuel Macron prévoit par ailleurs la formation d’un million de jeunes, mais sans préciser ni les contours ni le financement de cet « effort national ».

La « police de la sécurité quotidienne » jugée positivement

Au-delà du dispositif des emplois francs, les « maigres » propositions du candidat d’En Marche ! susceptibles de concerner la politique de la ville sont disséminées dans les différentes rubriques de son programme et « ne sont pas spécifiques aux banlieues », souligne Renaud Epstein. « C’est le reflet d’une méconnaissance réelle des quartiers populaires, selon François Lamy. Au-delà des moyens, revus à la hausse, dévolus au programme de rénovation urbaine, il n’y a rien sur le manque de maillage humain, rien non plus sur les aides à la création des entreprises… Or, les quartiers populaires ont besoin de mesures spécifiques. »

Quant à la mise en place d’une « police de la sécurité quotidienne » destinée à être « plus proche du terrain, mieux intégrée dans le tissu social des quartiers » (comme autrefois la police de proximité, supprimée en 2003), « on peut lui accorder le bénéfice du doute », estime Christian Mouhanna, directeur du Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (Cesdip). « L’intention est bonne même si la proposition est imprécise et floue », poursuit le sociologue. Une intention que partage Benoît Hamon lorsqu’il évoque la création d’une « police de proximité pédestre ». « S’il s’agit simplement de proposer des formations aux policiers, ça ne changera rien », tempère François Lamy, qui juge la mesure « plutôt positive ». « C’est toute la culture et les méthodes des forces de l’ordre dans les quartiers qu’il faut changer », ajoute-t-il.

« Généralisation » de la Garantie jeunes à 200 000 jeunes (dispositif d’accompagnement pour les plus précaires), « amplification » du programme de rénovation urbaine des quartiers, « généralisation » des caméras-piétons, « multiplication » des opérations de « testing » pour lutter contre les discriminations… Aux yeux des observateurs, le programme d’Emmanuel Macron en matière de politique de la Ville a surtout des airs de déjà-vu.