Des fans du Paris Saint-Germain durant le match aller de Ligue des champions entre le PSG et Barcelone le 14 février 2017. | FRANCOIS MORI / AP

A la fin du match PSG-Barça, Laurent Vergne écrit : « Personne n’aurait pu parier sur un tel succès. » Eh bien, il se trompe. Nous sommes 96 à avoir misé sur le 4-0 et empoché 100 fois la mise, encore plus nombreux à avoir parié sur la victoire de Paris et touché plus ­modestement 3 fois la mise.

Dans la salle d’attente chez l’orthodontiste de mes enfants, en voyant une photo de ­Cavani dans un magazine féminin, j’ai su que Paris gagnerait et j’ai compris qu’il ­fallait que je mise gros sur ce match.

A la banque, c’était pas gagné. Après avoir fait le tour de mes Codevi, PEA, PEL, CEL, PER, la seule possibilité que m’offrait mon épargne c’était de liquider, c’est le cas de le dire, mes deux derniers PEL, ceux des enfants. Allez ! Pas de scrupules, c’est maintenant ou jamais, me murmurent les dieux du stade.

Deux garçons, vingt-huit ans cumulés, 45 euros de dépôt le 5 de chaque mois. Si j’avais eu une fille jamais je n’aurais touché à son PEL pour parier sur du sport, ou alors sur de la natation synchronisée ou de la GR mais pas sur le PSG. Prévoyant leurs études futures, j’avais réalisé dix-huit années d’épargne. Est-ce qu’ils en feront, des études ? Celui qui veut étudier, il étudie. Il n’a pas besoin de l’argent de papa. Ça aide. Oui, ça aide les gosses de riches, les autres, qu’ils se débrouillent.

« On est riche, papa ? »

Papa il en a marre de payer, et les cantines et les vacances et les chaussures de marque et le permis de conduire, sans compter les cartes Pokémon, ras le bol papa. J’ai oublié les ­cartouches d’encre et les sorties scolaires. Papa il va se payer son Olympia à lui le 6 juin avec son Envol du Pingouin, il va se monter un Tchekhov et puis partir en voyage sans vous.

« Vous avez 18 486 euros disponibles mais je ne vous conseille pas de tout retirer, c’est pas très prudent.

– Vous avez raison, je vais laisser 6 euros. Ce sera pour les copies doubles des mômes. »

J’ai mis 15 000 euros sur une victoire et 3 480 euros sur le + 4. J’aurais dû faire l’inverse mais bon. Et puis je me suis désintéressé du match. Cette prise de risque et le reniement de mes enfants pendant quarante-huit heures c’était très violent, je ne vous dis pas l’angoisse.

Mon fils, je l’entendais, a vu les deux premiers buts en tout petit sur la mosaïque des programmes, j’étais dans la cuisine à faire une pâte brisée. Je ne voulais rien savoir, de toute façon rien ne dit qu’ils voudront faire des études. Di Maria ! Draxler ! 2-0.

« Comment tu fais pour suivre sur un truc minuscule ? Prends l’abonnement, on est riches.

– On est riches, papa ?

– Dans une mi-temps oui, très riches. Tu veux faire quoi quand tu seras grand ?

– Editeur !

– Ah oui ! Ça coûte cher ça ? »

Di Maria en a mis un second, en Cinémascope, et Cavani, mon guide, mon compas, ma règle Cras, a marqué le quatrième. Il fallait que ça s’arrête là, que plus personne ne marque, que le score ne bouge plus. Et ce fut le cas.

J’ai touché 45 000 euros pour la victoire et 348 000 euros pour les 4 buts. 393 000 euros, sans compter les 6 euros des copies doubles.

Chez ma dermato psy, je suis tombé sur une photo de Rabiot, le joueur du PSG, et son ­esprit m’a dit : « Maintenant ou jamais. » J’ai obéi, j’ai parié pour le match retour. Tout ? Oui ! Tout. Et même les copies doubles.