« En l’état actuel des connaissances, aucun des cinq systèmes examinés ne peut être qualifié de pertinent au regard des enjeux actuels de santé publique que constituent surpoids, obésité, désordres métaboliques… », avait avancé l’Anses. | JEFF PACHOUD / AFP

Les réactions se multiplient sur un projet d’étiquetage simplifié de la valeur nutritionnelle des aliments. Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a fait savoir vendredi 3 mars, dans un communiqué, qu’il « s’étonne des conclusions de l’Agence nationale de sécurité sanitaire des aliments [Anses] sur le logo nutritionnel ».

Le 14 février, l’Anses avait en effet rendu son avis sur les cinq systèmes d’information nutritionnelle à l’étude pour guider les consommateurs dans leurs achats. La Direction générale de la santé lui avait demandé d’analyser la « pertinence nutritionnelle » de ces logos « au regard des enjeux de santé publique en matière de nutrition ».

Dans son texte, le comité d’experts de l’agence considère que les logos et leurs effets sur les choix alimentaires peuvent être pertinents s’ils réduisent « l’incidence des pathologies ». Or, « en l’état actuel des connaissances, aucun des cinq systèmes examinés ne peut être qualifié de pertinent au regard des enjeux actuels de santé publique que constituent surpoids, obésité, désordres métaboliques… », poursuit l’Anses. De plus, « leur capacité à améliorer les choix des consommateurs apparaît incertaine ».

Nombreuses critiques

Cet avis suscite de nombreuses réactions. « Aucune étude scientifique ne peut répondre à une telle question, souligne le HCSP, le logo nutritionnel est avant tout une information des consommateurs sur la qualité nutritionnelle des aliments qu’ils consomment ». « L’Anses aurait dû refuser de répondre à une telle question, souligne un expert, c’est un peu comme si on demandait de prouver que le paquet neutre pour les cigarettes faisait diminuer le cancer du poumon. Difficile de faire la preuve. Il n’empêche, c’est une mesure de santé publique. »

Pour le HCSP, les conclusions de l’Anses ne sont pas en cohérence avec son propre avis du 25 juin 2015, qui s’était prononcé, sur saisine du ministère de la santé, sur l’évaluation globale des systèmes en fonction de leur intérêt. Il rappelait qu’un logo « devra permettre au consommateur, au moment de son acte d’achat, de comparer facilement les produits alimentaires entre eux, entre les familles, aussi bien qu’à l’intérieur d’une même famille d’aliments ou pour un même aliment entre marques différentes ». A ce titre, rappelle le HCSP, le logo nutritionnel « est un des éléments d’une politique de santé efficace. C’est d’ailleurs une recommandation de l’Organisation mondiale de la santé ».

Problème de méthode

La semaine dernière, c’était la Société française de santé publique (SFSP) qui faisait savoir dans un communiqué qu’elle « ne partage [ait] pas les conclusions de l’Anses ». « Il est difficile de laisser entendre que l’objectif du logo serait de diminuer à lui seul l’incidence des cancers ou des maladies cardio-vasculaires. » « On est déçus de la teneur de cet avis », souligne Olivier Andrault, chargé de mission à l’UFC Que Choisir, les associations de consommateurs militant pour une meilleure information sur l’alimentation.

L’avis sème d’autant plus le trouble, dans un contexte miné, qu’il soulève par ailleurs un problème de méthode. Certains rapporteurs estiment que leurs travaux n’ont pas ou peu été pris en compte. Certains experts ont été écartés, quand d’autres, ayant des liens d’intérêt, ont pu participer aux travaux de l’agence. L’Anses estime « s’être employé à répondre à la saisine dans le détail et avec méthode, de façon collégiale ».