Le logiciel « Greyball » pouvait afficher de fausses voitures sur les cartes d’Uber afin de tromper les autorités dans les villes où l’application n’était pas autorisée. | THOMAS OLIVA / AFP

L’existence d’un logiciel permettant aux chauffeurs d’Uber d’éviter les autorités a été révélée par le New York Times vendredi 3 mars avant d’être confirmée par la start-up la plus valorisée du monde (68 milliards de dollars). Le logiciel a été surnommé « Greyball » (boule grise). La pratique aurait duré jusqu’en 2015.

Le quotidien américain décrit comment en 2014 à Portland, ville où Uber n’avait pas encore l’autorisation d’opérer, des policiers ont tenté d’interpeller des chauffeurs en se faisant passer par des clients. Mais Uber avait mis en place un système pour les repérer entraînant un renvoi vers une fausse application où les voitures affichées à l’écran n’existaient pas.

L’entreprise avait l’habitude de payer les amendes et les frais de fourrière des chauffeurs interpellés par la police. Mais devant le coût de ces remboursements, elle a décidé de recourir à « Greyball ». Avec un succès certain si l’on en croit le journal. La police de Portland n’a jamais pu prendre un chauffeur en flagrant délit.

Pour tracer les membres des forces de l’ordre, la firme de San Francisco a mis au point plusieurs techniques comme surveiller les personnes qui ouvrent l’application de manière intempestive à proximité d’un bâtiment gouvernemental. Uber pouvait aussi analyser les données de la carte bancaire d’un client, voire son profil sur les réseaux sociaux.

Protéger les chauffeurs contre la concurrence

Des employés d’Uber se seraient même rendus dans des magasins vendant des téléphones portables à bas prix, ceux généralement utilisés par des policiers en couverture, pour noter le type de numéro concerné. Et si un chauffeur finissait malgré tout par prendre dans sa voiture l’un de ces passagers, il était prévenu par téléphone d’annuler la course.

Si Uber ne nie pas avoir eu recours à Greyball, un porte-parole du groupe a insisté sur la fonction première du système, protéger les chauffeurs. « Ce programme empêche les demandes d’utilisateurs frauduleux qui violent les termes de service, que ce soit des gens qui veulent s’en prendre physiquement aux chauffeurs, des concurrents voulant perturber nos opérations, ou des opposants qui s’allient avec les autorités pour des opérations secrètes visant à piéger nos conducteurs », a précisé le porte-parole.

Quatre employés, anciens ou actuels, ont transmis une série de documents au New York Times. 50 à 60 personnes auraient eu connaissance de « Greyball » au sein de l’entreprise. Et même si le service juridique a approuvé le système, un certain nombre d’employés s’interrogeaient sur sa légalité et son éthique.

C’est un coup dur supplémentaire pour l’image du leader mondial du secteur. Uber a été attaqué récemment pour sa culture d’entreprise sexiste. Son propre PDG, Travis Kalanick, a été filmé en train de avec un chauffeur sur les tarifs pratiqués et a dû s’excuser publiquement. Plusieurs villes et pays continuent de s’opposer à l’implantation de la marque.