Le climat politique était déjà très médiocre à Washington, il a toutes les chances de devenir rapidement exécrable. Alors que la nouvelle administration est engluée dans les soupçons de contacts avec la Russie, accusée par le renseignement américain d’avoir voulu peser sur l’élection présidentielle, Donald Trump a lancé samedi 4 mars, sur son compte Twitter, de graves accusations visant son prédécesseur, Barack Obama.

« Comment le président Obama a-t-il pu tomber si bas pour mettre mes téléphones sur écoute durant ce processus électoral sacré. C’est Nixon-Watergate. Un pauvre type (ou un malade) », a écrit de bon matin M. Trump, qui passe le week-end en Floride.

« Terrible ! Je viens de découvrir que le président Obama avait mis mes lignes sur écoute dans la tour Trump juste avant [ma] victoire. Sans rien trouver. C’est du maccarthysme ! », avait-il estimé dans le premier d’une série de cinq messages, suivis un peu plus tard par une attaque en règle contre son successeur dans l’émission de téléréalité The Apprentice, Arnold Schwarzenegger, qui vient de mettre un terme à sa participation.

« Etat profond »

Sur quels éléments non cités dans ses messages M. Trump s’est-il appuyé pour mettre en cause un ancien président comme sans doute aucun locataire de la Maison Blanche avant lui ? Manifestement sur un brûlot du polémiste ultraconservateur Mark Levin, qui anime un talk-show sur une radio, dans lequel il a accusé, le 2 mars, l’ancien président démocrate d’un « coup d’Etat silencieux ».

Ce brûlot a été repris le lendemain, enrichi, par le site engagé Breitbart News, dont l’ancien responsable, Stephen Bannon, est aujourd’hui le conseiller stratégique de M. Trump. L’article insiste sur les « fuites » dont bénéficie la presse, qui suscitent la plus vive irritation de l’administration. Mark Levin accuse régulièrement un « Etat profond », favorable aux « progressistes » qu’il stigmatise à longueur de tribunes, de multiplier les embûches contre la nouvelle administration.

Mark Levin affirme sans la moindre nuance que M. Obama a mobilisé les moyens de l’Etat pour mettre sur écoute la Trump Tower, le quartier général du milliardaire. Des « fuites » ont attesté au cours des derniers mois que la police fédérale, dans le contexte des piratages imputés à la Russie, s’était notamment penché sur un serveur reliant la Trump Organization à une banque russe pour constater qu’il ne s’agissait pas d’un canal secret.

Le démenti ferme opposé par un porte-parole de M. Obama, samedi, ne vise d’ailleurs que le rôle de l’ancien président. « Le président Obama, ni aucun responsable de la Maison Blanche, n’ont jamais ordonné la surveillance d’un quelconque citoyen américain », a assuré Kevin Lewis, « toute suggestion du contraire est tout simplement fausse ».

Une réplique affaiblie

« Une règle d’or de l’administration Obama était qu’aucun responsable de la Maison Blanche ne devait interférer avec une quelconque enquête indépendante menée par le ministère de la justice », a ajouté M. Lewis, dans une allusion voilée à une initiative récente du chef de cabinet de M. Trump, Reince Priebus. Ce dernier a en effet contacté le FBI pour qu’il démente auprès de journalistes le contenu d’un article publié par le New York Times faisant état de multiples contacts entre des proches de M. Trump et des responsables russes.

Vendredi, M. Trump avait déjà répliqué à des demandes de démissions émanant des démocrates visant l’attorney general des Etats-Unis, Jeff Sessions, accusé d’avoir passé sous silence lors d’une audition au Sénat deux rencontres avec l’ambassadeur russe à Washington, Sergeï Kislyak. M. Sessions s’était récusé la veille pour toute enquête visant la campagne, une décision qui avait provoqué la très vive irritation du président, selon ABC.

Ce dernier a alors publié les photos des deux responsables démocrates du Congrès, la représentante de Californie Nancy Pelosi et le sénateur de l’Etat de New York Chuck Schumer, avec le même diplomate, mais des années avant la campagne présidentielle, ce qui affaiblit considérablement la réplique.

En mettant en cause brutalement M. Obama comme pour détourner à nouveau l’attention, M. Trump a fait le choix de la surenchère. Elle a semblé prendre de court la Maison Blanche, restée totalement silencieuse samedi en milieu d’après-midi.