A Detroit (Michigan), Paris et Rüsselsheim (Allemagne), les signes se sont soudain multipliés, vendredi 3 mars, de l’imminence d’une union entre Opel-Vauxhall et PSA.

Citant des sources proches du dossier, plusieurs organes de presse, dont les trois principales agences de presse mondiales – Reuters, AFP et AP –, ont affirmé dans la soirée que les instances dirigeantes du groupe automobile français venaient de donner leur feu vert au rachat des activités européennes de General Motors (GM).

« Rondement menées », ces négociations ont abouti à un accord du conseil de surveillance de PSA qui suscite « beaucoup d’enthousiasme et de satisfaction » des parties prenantes, a indiqué une source anonyme à l’AFP.

Cette information n’a pas été confirmée officiellement par le constructeur français aux trois marques (Peugeot, Citroën, DS), qui se refuse pour le moment à tout commentaire. L’annonce officielle devrait toutefois bien avoir lieu lundi 6 mars dans la matinée ; une information confirmée aux syndicalistes français de PSA par leurs homologues allemands de la centrale IG Metall.

Brûlantes questions financières

L’affaire serait donc faite… sauf surprise de dernière minute ! Car, si les principaux obstacles de la négociation semblent bien avoir été franchis – le prix final, le périmètre des activités reprises, les retraites d’Opel – les discussions continuaient entre avocats dans la soirée de vendredi.

« Des questions des brevets sont encore dans la balance », a indiqué au Monde un bon connaisseur du dossier. En effet, un accord de partage portant sur la recherche et le développement (R&D) serait en discussion car plusieurs véhicules GM sont, au moins partiellement, conçus en Allemagne.

Les questions financières les plus brûlantes semblent, elles, réglées. Et en particulier les 7 milliards à 10 milliards de dollars d’engagements (jusqu’à 9,4 milliards d’euros) destinés à payer les retraites des salariés d’Opel.

Cette grosse pierre d’achoppement dans la négociation avait provoqué l’échec d’une première tentative de GM, en 2009, de céder Opel à l’équipementier canadien Magna. Mais, selon l’agence Reuters, le groupe américain a cette fois accepté d’injecter un montant substantiel, ouvrant ainsi la voie à un accord sur des clauses de non-concurrence qu’il demandait. Ce geste est évidemment un indice fort de sa volonté d’aboutir à une vente.

Complémentarité géographique

Le Salon automobile international de Genève, qui ouvre ses portes à la presse mardi 7 mars, devrait donc bruisser de la grande nouvelle, dont la révélation, mardi 14 février, jour de la Saint-Valentin, avait surpris de nombreux observateurs.

PSA, société sauvée de la faillite il y a à peine quatre ans, confirmait alors son intérêt pour un constructeur ayant perdu 15 milliards de dollars en seize ans et qui affichait encore 300 millions de dollars de déficit en 2016.

L’union pourrait prendre la forme d’une alliance à la Renault-Nissan, un modèle que le président de PSA, Carlos Tavares, connaît bien pour avoir fait l’essentiel de sa carrière au sein de la firme au losange.

« Il est fondamental qu’Opel reste une marque allemande », martèle depuis dix jours M. Tavares, qui voit dans ce rachat la possibilité d’une complémentarité géographique, en particulier outre-Rhin, où PSA n’est jamais parvenu à percer. Par ailleurs, le fait de posséder les sites industriels britanniques de Vauxhall pourrait se révéler gagnant lorsque le Brexit, et les droits de douane qui vont avec, seront effectifs.

Atteindre la taille critique

Mais, plus que tout, PSA a besoin de passer à une échelle supérieure en termes de volume et de chiffre d’affaires, afin d’atteindre la taille critique minimale qui permet de faire face aux énormes besoins d’investissement du secteur – dans les systèmes de dépollution, la conduite autonome, les véhicules électriques).

Les résultats même très bons de PSA (1,7 milliard d’euros de bénéfice net part du groupe, rentabilité de 6 %) ne suffisent pas aujourd’hui pour faire face à cette nécessité vitale de mobiliser plus de capital. La société, par le seul fait de son alliance avec Opel, passerait ainsi de 3,1 millions à 4,3 millions de véhicules vendus en Europe, soit 40 % de plus. Et Carlos Tavares a indiqué, lors de la présentation des résultats de l’entreprise vouloir atteindre les 5 millions de véhicules vendus d’ici à 2020

Reste qu’avec dix-neuf usines au total en Europe, le nouveau groupe pourra être tenté de rationaliser sa production. Ceci sans compter une remise à plat nécessaire de la gamme des marques afin d’éviter une dangereuse cannibalisation entre elles.

Carlos Tavares a garanti à la chancelière allemande Angela Merkel et à la première ministre britannique Teresa May un maintien des sites et des investissements. Mais malgré les propos rassurants du patron de PSA, l’inquiétude existe ; y compris en France où la CGT a annoncé, vendredi, se préparer à « des attaques contre l’emploi ».