Bananes de Guadeloupe à Rungis. | LIONEL BONAVENTURE / AFP

Les portes du 54e Salon de l’agriculture se sont fermées, dimanche 5 mars, après avoir accueilli 619 000 visiteurs. Comme souvent, des organisations professionnelles ont profité de cette caisse de résonance médiatique pour se faire entendre. Cette année, la banane antillaise s’est lancée dans la bataille. A grand renfort de publicité, mais aussi sur son stand, elle a attaqué sans vergogne les bananes bio.

« La banane française, mieux que bio, c’est possible », proclamait la campagne publicitaire financée par l’Union des groupements de producteurs de bananes de Guadeloupe et Martinique (UGPBAN). Une allégation qui n’a guère été du goût du Synabio, le Syndicat national des transformateurs de produits naturels et de culture biologique. Il a saisi en référé le tribunal de grande instance de Paris. Le juge a enjoint, mercredi 1er mars, à l’UGPBAN, de cesser sa campagne sous peine d’une amende de 50 000 euros par jour et par infraction. Les producteurs de bananes antillais ont obtempéré.

« Détournement »

Le tribunal a donné raison au Synabio, qui affirmait, dans un communiqué, que « se référer au bio en brouillant les repères comme le fait l’UGPBAN, n’est pas acceptable », considérant qu’il s’agissait « d’un détournement d’usage d’un signe officiel de qualité et d’une communication opportuniste visant à profiter de l’engouement des consommateurs pour le bio ».

Un argument réfuté par Eric de Lucy, président de l’UGPBAN : « Nous ne voulons pas nous approprier le terme de bio. Nous disons que les bananes bio commercialisées en Europe ne sont pas européennes. Elles sont produites au Costa Rica, en Equateur, au Pérou ou en République dominicaine et ne répondent pas au cahier des charges européen du bio. »

Selon M. de Lucy, tout l’enjeu est le débat entre conformité des cahiers des charges ou équivalence. Un débat qu’il porte à Bruxelles. « S’il y a conformité des règles, la production sera la même quel que soit le pays. Il n’y a, alors, rien à redire. Si, au contraire, vous fabriquez selon des règles en équivalence, tout peut être dit », affirme M. de Lucy, qui accuse des planteurs bio des pays cités d’utiliser des pesticides non autorisés pour ce type de culture en Europe et dénonce « une concurrence déloyale ».

Rouleau compresseur

L’enjeu est d’importance pour les 650 producteurs de bananes antillais (300 millions d’euros de chiffre d’affaires). Car, sur ce segment, comme pour d’autres produits alimentaires, le bio avance vite. « La banane bio représente 8 % des ventes en France, soit près de 40 000 tonnes, et elle est en forte progression », dit M. de Lucy. Elle est aussi mieux valorisée, avec un différentiel de 15 % à 25 % par rapport à un fruit conventionnel.

Or les producteurs antillais tentent de se battre contre le rouleau compresseur de la grande distribution, qui fait de la banane un produit d’appel dans ses rayons. Depuis 2015, ils tentent de mieux mettre en avant la production antillaise, en faisant la promotion de son « origine France ». Avec, en filigrane, 7 000 emplois aux Antilles, et une volonté de « verdissement », après le scandale du chlordécone, un produit toxique utilisé jusque dans les années 1990.