On assiste à un développement rapide des smart cities en Europe. Quels en sont les modèles ?

On constate en effet que la quasi-totalité des villes européennes de plus de 100 000 habitants se lancent dans des projets « smart », c’est-à-dire qui utilisent le big data pour améliorer le fonctionnement des villes et développer l’échange d’informations entre les pouvoirs publics et les habitants. Ces initiatives prennent la forme de nouveaux services numériques. Prenons l’exemple de Vienne en Autriche, dont le projet smart city couvre le cadre de vie, la mobilité urbaine, les économies d’énergie, la réduction des émissions de gaz à effet de serre tout en soutenant l’éducation, la recherche et l’innovation. C’est une appréhension globale de ce que doit être la ville intelligente. D’autres modèles européens sont Barcelone, Helsinki, Londres et Amsterdam qui a rapidement compris l’intérêt d’embaucher un délégué à la technologie, ce qui a permis une valorisation et un meilleur usage des données récoltées par la ville.

En quoi la période actuelle marque-t-elle un tournant dans cette mutation ?

Le développement des services numériques en ville est très intense et très rapide. Les citoyens urbains commencent à prendre conscience que les technologies intelligentes vont transformer leur vie. Une meilleure coopération entre secteur public et secteur privé est nécessaire au développement de solutions intelligentes pour les villes. Ni le public ni le privé ne peuvent transformer seuls nos villes. Nous disons souvent que « personne ne possède la ville », les entreprises qui veulent percer dans ce domaine doivent coopérer avec les pouvoirs publics.

Quelle est la dynamique européenne autour des smart cities ?

L’Europe est dynamique, voire très dynamique. Ce dont l’Europe a le plus besoin, ce sont de personnalités politiques qui ne refusent pas le changement technologique. Le maire de Londres, Sadiq Khan, a parfaitement compris l’importance capitale des nouveaux moyens de mobilité pour le futur de la capitale britannique. De son côté, la capitale néerlandaise a lancé 80 projets pilotes afin d’améliorer différents aspects de la vie quotidienne, Paris se distingue par sa forte volonté d’attirer les inventeurs urbains de demain et Lyon a pris en compte l’importance de l’innovation, des solutions intelligentes et de la technologie urbaine. L’Europe peut devenir le leader mondial des smart cities, ce qui aurait des conséquences très positives sur l’économie. Il n’y a pas d’autre endroit au monde avec une telle concentration d’acteurs qui ont conscience des possibilités qu’offre à la ville la révolution numérique. Si l’on ne regarde que la France, des grands groupes comme Engie, Transdev, Veolia, Dassault Systèmes, Vinci, Orange développent tous leurs activités de services urbains. La France est aussi le berceau de start-up « urbaine-tech » de classe mondiale comme Blablacar ou Plume Labs.

Quels seront les secteurs les plus touchés par ces transformations ?

Un des secteurs qui se développent très rapidement est celui des transports de personnes et de marchandises, ce qu’on appelle la nouvelle mobilité : le partage de voiture ou de vélo, le transport comme un service, les véhicules autonomes, les véhicules électriques. Ces changements dans la mobilité vont profondément transformer les villes dans les cinq à dix prochaines années. Un événement autour de la nouvelle mobilité sera même organisé en novembre 2017 à Los Angeles, le temple de l’automobile.

L’utilisation croissante des données pose aussi des problèmes de sécurité et de vie privée. Comment y répondre ?

La ville intelligente représente en effet un risque réel et sérieux de protection de la vie privée. Les nouvelles technologies sont capables de collecter énormément de données brutes puis de les analyser, ce qui met en danger l’intimité des citoyens. De même, les produits technologiques ne sont pas assez puissants pour nous protéger contre des cyberattaques. Beaucoup de failles ont été détectées dans les logiciels pare-feu comme cela a été le cas récemment avec Yahoo. Il faut une réponse politique à ce problème.

Les Européens vous semblent-ils prêts à supporter la traçabilité permanente qu’imposent de nombreux services ?

Je pense qu’une majorité de citoyens sont prêts à accepter ce modèle car ils sont réellement intéressés par un meilleur accès à des services plus performants. Cependant ils doivent être conscients de la relation ambivalente qu’ils ont avec les technologies : des services moins chers et plus efficaces d’un côté, une vie privée moins protégée de l’autre.

Smart Cities : « Le Monde »  décrypte les mutations urbaines

Le Monde organisera vendredi 7 avril à Lyon une journée de débats sur le thème « Gouverner la ville autrement : les villes peuvent-elles réenchanter la démocratie ? ». Entrée gratuite sur inscription ici.

A cette occasion, Le Monde récompensera avec ses partenaires les lauréats de la deuxième édition des Prix européens de l’innovation Le Monde-Smart Cities pour leurs projets innovants améliorant la vie urbaine. Les candidatures aux prix internationaux (hors Europe) sont encore ouvertes.

Retrouvez l’actualité des villes décryptée par les journalistes du Monde dans la rubrique « Smart cities » sur Lemonde.fr.