Un hommage aux victimes des attentats à Paris et à Saint-Denis, en novembre 2015. | s.remael

C’est une nouvelle étape qui vient d’être franchie pour les victimes d’attentats. Deux avocats, deux magistrats, deux représentants des assureurs, deux médecins experts, trois professeurs d’université ont constitué le groupe de travail, mandaté en décembre 2016 par les ministres de la justice, de l’économie et par la secrétaire d’Etat à l’aide aux victimes, Juliette Méadel, qui a rendu ses conclusions dans un rapport, lundi 6 mars.

Le groupe de travail préconise ainsi la prise en compte de deux nouveaux préjudices spécifiques dans l’indemnisation des victimes directes et indirectes d’accidents collectifs, de catastrophes naturelles ou d’attentats, appelés « préjudices situationnels d’angoisse ». Et définis ainsi : il s’agit d’une « très grande détresse » due « à la conscience d’être confronté à la mort » pour la victime directe et « à l’incertitude sur le sort de celle-ci » pour ses proches. Les deux préjudices sont liés au « déroulé de l’événement » mais indépendants de son issue.

« Notre démarche, empirique, visait à déterminer si de tels préjudices étaient déjà indemnisés par la nomenclature actuelle, a expliqué lors d’une conférence de presse la présidente du groupe de travail, Stéphanie Porchy-Simon, professeure à l’université Jean-Moulin Lyon-3. Il est clairement apparu qu’il s’agissait de préjudices particuliers, (…) et nous avons acquis la certitude de leur autonomie. »

Une demande soutenue par les associations de victimes

Des conclusions identiques à celles du livre blanc, rendues publiques il y a quatre mois. Si ce n’est sur la terminologie. Dans ce document, 170 avocats du barreau de Paris réclamaient la prise en compte d’un « préjudice d’angoisse » pour les victimes directes et d’un « préjudice d’attente » pour leurs proches. Une demande soutenue par les associations de victimes.

Le livre blanc s’appuyait sur la jurisprudence liée aux catastrophes collectives, dont celle d’Allinges, en Haute-Savoie (en juin 2008, la collision d’un TER et d’un car scolaire a coûté la vie à sept collégiens), et sur l’accord amiable conclu en juin 2016 entre les assureurs et les représentants des victimes de l’accident de car de Puisseguin, en Gironde (43 morts), le 23 octobre 2015, reconnaissant les préjudices spécifiques, notamment l’angoisse, l’attente et l’inquiétude des victimes directes et indirectes.

Si ces deux nouveaux préjudices sont reconnus, il appartiendra alors au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions (FGTI), chargé d’indemniser les victimes, d’évaluer « au cas par cas » le montant de ces nouvelles indemnisations, sans expertise médicale nécessaire. Les critères varieraient en fonction de « l’exposition à une situation, de sa durée, de la proximité par rapport au danger et des circonstances particulières entourant l’acte » (comme la présence d’autres proches).

Pour les victimes indirectes, seraient prises en compte « la proximité du lien affectif » et « la durée et les conditions de l’attente ». « Les proches devront avoir eu connaissance de l’événement et de la présence de leur proche sur les lieux », a précisé Mme Porchy-Simon. Les auteurs du rapport n’ont cependant pas chiffré le coût de ces nouvelles indemnisations. Une tâche à laquelle va s’employer le FGTI, à partir de mercredi 8 mars.

« L’Etat est le garant de l’indemnisation intégrale »

Car la prise en compte de ces deux préjudices spécifiques supplémentaires serait susceptible d’accroître sensiblement le montant des réparations et pourrait nécessiter l’augmentation de l’enveloppe dont dispose le Fonds. Or, sa capacité de financement a déjà été relevée à deux reprises en un an et demi : la taxe prélevée sur chaque contrat d’assurance de biens (habitation, automobile, etc.) s’élève aujourd’hui à 5,90 euros. « L’Etat est le garant de l’indemnisation intégrale », rassure la secrétaire d’Etat à l’aide aux victimes, Juliette Méadel.

En effet, une nouvelle convention cadre entre l’Etat et le FGTI, qui devrait être signée dans les jours qui viennent, indique que « l’Etat apportera son concours financier lorsque le niveau des dépenses annuel (…) excédera 160 millions d’euros ». Un plafond qui n’a encore jamais été atteint. A ce jour, le Fonds, qui dispose d’une réserve de 500 millions d’euros, a versé 53 millions pour les attentats de 2015 et 2016.

« Avec cette convention cadre, le FGTI – organisme de droit privé – est désormais un opérateur de service public, a expliqué au Monde Mme Méadel. Au-delà de la garantie financière, l’objectif est de simplifier et d’humaniser les procédures afin que le processus d’indemnisation ne soit pas vécu comme une épreuve supplémentaire. » Ce « besoin d’Etat » avait été largement relayé par les associations de victimes.

Le FGTI devrait soumettre au vote la prise en compte des deux nouveaux préjudices lors de son prochain conseil d’administration, le 27 mars.